Réveille-toi, regarde, regarde ce monde… N’y a-t-il pas de choses plus belles que cette étendue face à nous, les arbres puissants et hasardeux mêlés à cette confusion sauvage. Ces couleurs vives, désordonnées, et pourtant si bien assemblées. Cette fraîcheur allusive de la nature qui devient chaleur et réconfort à son contact. Ces animaux majestueux, inapprivoisables et maîtres de ces lieux … Inspiration infinie des hommes. Cette nature que l’on voit face à nous qui ne subit aucune règle et néanmoins organisée jusqu’à la plus petite brindille. Est-ce cela la liberté, celle qui est maîtresse du beau et inimitable ? Vois, mon frère, ce cadeau des dieux qui nous laisse en émoi… Sans même que nous puissions l’expliquer. Cette beauté qui inspire aventures et calmes. Profites-en mon frère, cette contradictoire splendeur que nous offre cette étendue est devenue rare.

Lève-toi, regarde derrière toi, regarde ce qu’ils ont fait… Je suis désolé mon frère de cette immonde vision. Ce monde construit par nos pères qui n’a rien de vrai. Ces bâtiments en béton , roche de synthèse, qui de son poids écrase notre terre. Ces routes infinies, chemins dessinés par d’autres que l’on doit suivre. Ces parcs et ces forêts… charme désuet, pâle copie de ce qu’ils ont détruit ; marqués de cette symétrie propre à l’homme. Cet oppressant prosélytisme à la consommation, panneaux, devantures, haut-parleurs, objets… Ces outils soi-disant libérateurs inhibant toutes réflexions ; avilissant dès le plus jeune âge. Ces bêtes sans vénusté, promises par leur nature à devenir Homme, vertueux, élevé, sage. Vois, mon frère l’abîme dans leurs regards, errants sans but. Se pensant libres et puissants, ils se sont fourvoyés, asservis par leurs propres créations, avilis par leur consommable. Ce monde vétuste et sans joie semble à jamais perdu, sans espoir de rédemption. Voici ton legs mon frère, il te revient car tu le vois sans ce pesant voile des hommes.

Avance-toi, ne recule plus, fais face. Ta charge est immensurable, éprouvante et ne t’offrira aucun répit. Certains face à cette immondice ont fait le choix de l’ignorance. Je te le dis mon frère, de choix il n’y en a plus. Ceux qui l’ignorent sont serviteurs de cette immonde et ne méritent pas notre pardon. Ce destin est semé d’embûches et tu ne manqueras pas d’ennemis, serviteurs de ce système. Ce ne sont pas des fredaines enfantines que nous devons réparer mais bien l’Homme dans son entièreté. Ce n’est pas une évolution qui sera la solution, mais la création d’un monde nouveau. Ce n’est pas un cadeau que je t’offre, c’est une vie. Nous sommes les enfants oubliés de l’histoire mon frère, nous n’avons pas de grande guerre, pas de grande dépression. Notre grande guerre est spirituelle, notre grande dépression, ce sont nos vies.

Agissons mon frère, menons à bien cette révolution. Nous serons peu à combattre , certains seront en accord avec nos idéaux mais, sans agir, ils ne vaudront guère mieux qu’un ignorant. Pour ceux qui agiront à nos côtés, nous donnerons notre vie. Nos actions seront certes minimes face à ce monstre, mais elles seront immenses pour nos frères. Nous serons la flamme du nouveau monde, joie et tristesse se confondront, nous ne connaîtrons pas la facilité mais vivrons de notre espoir. Notre flamme sera l’étincelle de notre civilisation.

ETSI MORTUUS URIT. Puisse cette flamme réchauffer les âmes hantées par la passion de se donner et de croire, de croire malgré tout, malgré l’assurance des corrompus et des cyniques, malgré le triste goût amer que nous laisse à l’âme le souvenir de nos chutes, la conscience de notre misère et l’immense champ de ruines morales d’un monde qui n’a plus de salut, qui s’en fait gloire, et auquel nous devons nous soustraire.