Depuis « L’art de la guerre » de Sun Tzu, les stratèges militaires savent que le choix du terrain, et des conditions de la bataille sont primordiaux si on veut la gagner. Cinq siècles avant Jésus Christ, le vieux sage écrivait : « Ceux qui sont experts dans l’art militaire font venir l’ennemi sur le champ de bataille et ne s’y laisse pas amener par lui ».A travers les époques et les guerres ce conseil ne s’est jamais démenti. Par exemple Napoléon a bâti ses conquêtes et sa gloire sur une connaissance parfaite des terrains d’affrontement et un sens de l’initiative qui forçait ses ennemis à s’adapter à lui. A l’inverse les russes se sont embourbés à Grozny (Tchétchénie, en 1994) parce que leurs adversaires ont su imposer leur tempo.
C’est bien beau tout ça. Un vieux chinois dit des évidences et Napoléon gagne ses batailles quel scoop ! A quoi bon exactement ?Parce qu’en cette période électorale, tout le monde oublie cette maxime, surtout dans le camp contestataire. Depuis 6 mois la moitié du spectre de droite au sens large espère que Zemmour renverse la table, et qu’en Napoléon 2.0, il emporte la victoire en parvenant à changer profondément le pays. Les soutiens de Mélenchon espèrent la même chose et dans une moindre mesure ceux de Le Pen également.
Sauf qu’accepter de jouer le jeu électoral c’est accepter des règles édictées par l’ennemi justement dans le but de garder le pouvoir. Se battre sur un terrain qu’on ne choisit pas équivaut à se condamner à jouer avec des règles qu’on ne maitrise pas.
C’est ainsi qu’en 2017, François Hollande avait organisé un plan secret en cas d’élection de Le Pen où Bernard Cazeneuve ne présentait pas sa démission jusqu’au législative pour entraver le début de mandat frontiste et où les hauts fonctionnaires étaient briefés pour ne pas obéir. Plus récemment Laurent Fabius est sorti de son silence pour affirmer qu’en cas de victoire de l’un de ces trois candidats, la gouvernance par referendum (pour la VIe république pour l’un ou pour la suppression du regroupement familial pour les deux autres par ex) devrait (grâce à une obscure modification de la loi en juillet 2000) passer devant l’assemblée et le Senat et que le conseil constitutionnel était compétent pour statuer sur le bien-fondé de ces propositions. Autrement dit « Allez vous faire foutre avec votre appel au peuple ». Au lieu d’être Napoléon à Austerlitz qui maitrisait le terrain, ils seront forcés d’être le maréchal Boucicaut à Azincourt.
Jouer avec les règles de l’ennemi permet à l’ennemi de les modifier à l’envie pour contrecarrer vos plans. Anatole France disait que « République gouverne mal mais se défend bien ». On ne noyaute pas un système tenu par des voyous, on le met à terre et on le piétine et pour cela il faut aller se battre là où l’ennemi ne nous attend pas en misant sur ses faiblesses et non pas en l’affrontant de face sur l’une de ses citadelles les mieux défendue.
Alors comme disait Lénine « Que faire » ? Arrêter de penser que le système accepte la défaite et laissera gentiment la place est un bon début. On ne nous laissera pas faire (uniquement) par des moyens légaux. Dont acte. Reste donc la voie insurrectionnelle.
Il faut plus qu’une émeute spontanée type Gilets Jaunes. Elle avait pour elle la surprise et le refus des règles de l’ennemi (non enregistrement en préfecture, refus des tracés officiels, refus de la négociation…) mais n’avait pas l’avantage sur la préparation, la puissance de feu et la connaissance du terrain. Une révolution c’est une chose trop importante pour la confier à des têtes brulées. Il faut accepter le temps long, l’ingratitude du travail en amont, la formation des cadres, la compréhension des failles de l’ennemis. Il faut accepter de mouiller le maillot et de se salir les mains. Il ne faut surtout pas se ruer sur un ennemi imbattable, il faut humblement prendre le temps de devenir plus fort et mieux organisé que lui.
Je laisse Sun Tzu conclure : « La guerre est une affaire sérieuse, on redoute que les hommes s’y engagent sans la réflexion qu’elle mérite ». La révolution c’est pareil !
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