D’aucuns ne l’auront peut-être pas encore remarqué, mais dans certains coins de France, il est de plus en plus difficile de trouver un distributeur de billets aujourd’hui. Ce symptôme de la désertification rurale n’est pas sans rappeler le sort qui a jadis frappé les cabines téléphoniques. Si ce phénomène se cantonne aujourd’hui aux zones rurales, il y a fort à parier que demain les villes connaîtront le même phénomène.
Plusieurs causes en sont à l’origine. D’abord, il y a de moins en moins d’agences bancaires, et par effet domino, le nombre de distributeurs diminue aussi, pour la seule année 2020, la France a compté 2000 distributeurs en moins par rapport à 2019. Par ailleurs, même si paradoxalement la quantité d’argent liquide en circulation a augmenté à la suite du confinement, les retraits d’argent ont diminué de 20 % sur l’année 2020. Mais les véritables coupables sont encore ailleurs.
L’explosion du nombre de cartes de paiement ces 50 dernières années est la première responsable de la diminution du nombre de distributeurs automatiques de billets. En effet, la carte permet de ne pas avoir à trimbaler sur soi de grosses quantités d’argent liquide, pouvant attirer les pickpockets. Par ailleurs, le code apporte encore une certaine sécurité, bien que les cas de piratage soient désormais monnaie courante. Plus besoin non plus de devoir changer au bureau de change quand on part à l’étranger. Il ne fait donc guère de doute que les paiements mobiles et sans contact, encouragés par les pouvoirs publics en cette période de pandémie, afin d’éviter de manipuler l’argent liquide vecteur de germes, planteront demain la fatale banderille et précipiteront la disparition de la monnaie fiduciaire.
Déjà, dans certains pays (Suède, Nouvelle-Zélande), les jeunes générations ne voient pas beaucoup de billets et de pièces, de nombreux commerces suédois n’acceptant même purement et simplement plus ce mode de paiement. À Bruxelles, Carrefour vient d’inaugurer son premier supermarché où il est parfaitement impossible de payer en espèces.
Nous ne sommes pas numismates pour deux sous, mais cette disparition lente mais sûre de la monnaie fiduciaire de notre quotidien pose question. Un distributeur coûte 90 000 euros à l’installation, auxquels il faut rajouter la maintenance et le réapprovisionnement. À l’heure où les paiements sans contact représentent déjà la moitié des paiements en France, il n’est pas intéressant pour les banques de maintenir des distributeurs dans des zones peu peuplées. Certains rapports préconisent d’ailleurs la suppression de l’argent liquide afin de lutter contre l’économie souterraine. Les billets de 500 euros ont déjà disparu, et la question se pose aussi pour les pièces rouges d’1 et 2 centimes.
Ainsi, le système entend, par la disparition de la monnaie fiduciaire, reprendre le contrôle sur les flux d’argent. Finis, les bas de laine ! Tout devra passer par les circuits bancaires désormais. Et les comptes Nickel n’y feront rien. Le système pourra savoir au centime près ce que vous faites de votre argent. Et il pourra lui-même en disposer, puisque l’on ne possède jamais véritablement tout l’argent qu’on a à la banque, les dépôts n’étant garantis qu’à hauteur de 100 000 € en France.
Face à cette sombre perspective, quels espoirs ? Le développement des cryptomonnaies (Bitcoin, etc…) peut être une piste, néanmoins, ces dernières demeurent encore plutôt inaccessibles au commun des mortels. De plus, les cryptomonnaies ne sont pas gérées de façon véritablement transparente et centralisée, se pose donc la question de la sécurité des transactions. Il nous faudra donc certainement ruser, inventer, faire preuve d’ingéniosité et d’imagination afin de contrer le système, alors même que celui-ci s’apprête à nous ôter une des rares dernières libertés qu’il nous reste : disposer de notre argent et de nos biens comme bon nous semble. On pourrait soupirer en se disant que de toute façon, le combat est perdu d’avance. Non. Nous ne le pouvons pas.
Plutôt que de s’enfermer dans une posture défaitiste, il faut voir dans cette offensive du système contre nos libertés une occasion supplémentaire de remettre en question nos modes de vie et d’action. Pas d’alarmisme. Les offensives du système nous permettent de nous réinventer, de nous réorganiser, elles sont autant de carburant pour nos idées et pour stimuler notre ingéniosité.
Ce carburant permet à notre action de perdurer, car le combat n’est jamais fini, au contraire, il recommence chaque matin. Nos réponses et nos solutions, à nous de les trouver, en réfléchissant, en étudiant des solutions déjà mises en place ailleurs, en en expérimentant de nouvelles au sein de nos communautés militantes. Notre avenir dépendra de notre capacité à répondre à cette attaque, car l’argent, bien que non indispensable, demeure pour le moment toujours le nerf de la guerre.
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