Concilier la vie de famille et l’action militante est souvent l’une des impasses à laquelle se confrontent les femmes. Beaucoup ne se lancent jamais dans le combat politique ou abandonnent par peur de manquer de temps.

Pourtant la présence des femmes au sein d’un mouvement militant est précieuse car elles mènent des actions différentes et complémentaires de celles des hommes et apportent un point de vue différent dans la réflexion politique.

A contrario de la vision féministe et revendicative voulant singer les actions des hommes, un autre militantisme féminin est possible. S’assumer en tant que femme avec les caractéristiques qui sont propres à la féminité est nécessaire. De même, une adaptation des actions aux capacités et envies des militantes apparait préférable plutôt que de reprendre des codes masculins.

L’image d’Epinal d’une femme militante féministe qui n’a plus rien de féminin ne fait pas tellement rêver les jeunes femmes susceptibles de s’engager.

De multiples formes de militantisme sont possibles : certaines se sentiront plus à l’aise avec un militantisme intellectuel (articles, conférences, émissions de radio…), d’autres pour des actions (tractage, participation à des manifestations) tout est possible lorsque l’on est décidé à agir.

Au même titre qu’il n’existe pas d’essence féminine, il n’y a pas d’essence du militantisme féminin mais une pluralité de féminité et donc de militantismes.

Un bref aperçu historique nous permettra d’identifier les moyens du militantisme pour les femmes et d’en observer l’évolution.

Traditionnellement, les femmes sont enclines à donner de leur temps et à s’engager bénévolement et de façon désintéressée mais souvent par le biais des associations. Les femmes sont ainsi initiées à l’action publique à travers les activités sociales et philanthropiques qui étaient prônées comme l’exercice de la charité chrétienne par la pratique de l’aumône.

A partir du XIXe siècle, les journaux acceptent de plus en plus les chroniqueuses. Elles sont souvent pigistes, beaucoup écrivent sous des pseudonymes parfois masculins.

Les femmes jouent un rôle méconnu en participant aux manifestations, notamment en 1789 pour demander du pain et des armes. C’est par des femmes comme Claire Lacombe, Louison Chabry ou Renée Audou que fut organisée la marche sur Versailles qui finit par ramener Louis XVI dans la capitale. À partir de 1792, l’entrée en guerre de la France conduit certaines femmes à se battre aux frontières tandis qu’en 1793 se développe à Paris un militantisme féminin. Lors de la guerre de Vendée, de nombreuses femmes vendéennes prennent part au combat comme Renée Bordereau, à mener des troupes à cheval, comme la marquise Victoire de Donnissan de La Rochejaquelein ou la comtesse de Bruc.

Les femmes continuent à s’investir dans l’espace public en participant aux clubs, salons et aux sociétés d’entraide et de bienfaisance et participent aux luttes politiques. Les féministes participent à l’abondante littérature des années 1830 favorisée par la levée de la censure sur la presse.

Mona Ozouf indique que ce sont « les femmes qui ont opposé la résistance la plus obstinée aux mesures déchristianisatrices de la Révolution, au nouveau système de fêtes, au calendrier révolutionnaire. Ce sont elles qui réclament la voix consolante des cloches, chôment les dimanches, tentent d’arrêter les charrettes qui transportent les ornements arrachés à leurs autels, boycottent les curés jureurs, protègent les réfractaires. Elles sont les organisatrices tenaces du culte clandestin. Ce danger clérical, agité comme un chiffon rouge, servira longtemps par la suite pour mieux exclure les femmes du suffrage universel. »

Comme en 1789, les femmes participent activement aux journées révolutionnaires de 1848. Elles s’expriment publiquement par le biais d’associations et de journaux (création de La Voix des Femmes en 1848). Les femmes se voient accorder le droit au travail, elles élisent des déléguées à la Commission du Luxembourg, proposant des réformes de leurs conditions de travail, la création de crèches ou de restaurants collectifs. Elles lancent des pétitions et sont reçues par les instances politiques.

L’accès donné aux femmes à l’éducation facilite leur accès au militantisme. En 1836 avait été créé l’enseignement primaire féminin. Les collèges et les lycées de jeunes filles, dont les programmes restent spécifiques (ne permet pas de passer le baccalauréat), sont institués par la loi Sée en 1880. Les femmes se voient également garantir une formation à l’enseignement : les écoles normales féminines, rendues obligatoires dans chaque département en 1879.

Pendant la Commune (1871) se crée le premier mouvement féminin de masse : l’Union des femmes pour la défense de Paris et les soins aux blessés sous l’impulsion d’Elisabeth Dmitrieff.

A la différence du mouvement des suffragettes britanniques, qui utilise la violence et participe à des actions illégales, les mouvements féministes français restent soucieux d’employer des moyens « légaux et respectables ». On distingue un « féminisme modéré », concentré sur les affaires sociales, d’un « féminisme radical », qui réclame des droits égaux avec les hommes.

Durant la Première Guerre mondiale, la majorité des organisations féministes en France soutient l’effort de guerre multipliant les œuvres sociales. Dans les villes, elles fabriquent des armes dans les usines et sont surnommées les « munitionnettes ». Les femmes distribuent encore le courrier, s’occupent de tâches administratives et conduisent les véhicules de transport. Dans les campagnes, elles accomplissent les travaux agricoles. D’autres s’engagent comme infirmières sur le champ de bataille ou sont marraines de guerre : elles écrivent des lettres d’encouragement et envoient des colis aux soldats.

Après-guerre, le mouvement pour le droit de vote des femmes organise des meetings dans les mairies ou les écoles. Certaines organisations, comme le Conseil national des femmes françaises, mènent campagne de manière fictive en présentant des candidates aux élections municipales de 1925 à Paris.

La reconnaissance de droits civiques identiques à ceux des hommes permettra aux femmes d’accéder aux mêmes formes de militantisme que les hommes.

Lorsque le mouvement militant est mixte, il convient que les hommes prennent soin des femmes et portent sur elles une attention particulière afin d’éviter toute situation de danger et prise de risque non consentie. Il est parfois nécessaire de segmenter les actions et de déterminer les rôles de chacun en fonction des envies et des capacités pour ne pas mettre en péril l’action du groupe militant. Une réflexion est donc a mener au sein de chaque groupe pour permettre son fonctionnement en décernant à chacun de ses membres une place et des missions précises. Ce travail permettra une meilleure connaissance individuelle des militants et d’assurer la cohésion du groupe. Que chacun s’engage selon ses capacités, mais que chacun tienne ses engagements.

Aujourd’hui tout est fait pour que la femme se détourne du militantisme et notamment par l’exacerbation du lieu commun d’un monde politique trop violent et inadapté aux femmes ou en imposant un modèle unique de militantisme : point de salut possible hors du féminisme. Non, les femmes au foyer et le statut de mère ne sont pas incompatibles avec le militantisme. Sa forme est simplement amenée à évoluer, à s’adapter et le temps consacré à l’activisme politique peut varier.

Mesdames, il ne s’agit pas d’imposer des thèmes féminins à l’agenda politique mais d’être aux côtés des hommes dans un combat politique et d’y apporter notre part, aussi modeste soit elle.

En tant que citoyen, s’intéresser à la politique est un devoir afin se forger sa propre opinion et ne pas être dépend et passif, attendant que l’on nous dise ce qu’il faut penser, que l’on nous indique pour qui il faut voter. Les femmes doivent, elles aussi, oser le militantisme.