Le titre de l’ouvrage rappelle la devise Ordo ab Chaos, petite amicale de l’université de Yale qui avait fait parler d’elle sous un certain président Bush. Mais loin d’être un ouvrage complotiste vous montrant ceux qui tirent les ficelles, l’opuscule (moins de cent pages) se concentre surtout sur l’évolution récente de la politique. Une première partie surtout psychologique met en avant les ressorts de l’esprit humain en cas de chaos et d’incertitude, pour montrer que notre cerveau se fige alors dans des comportements élémentaires et prévisibles. Ceci permet aux gouvernants de « cartographier » les réactions de leur population, qui n’est alors plus capable ni de penser, ni d’abstraction. L’auteur (qui a voulu rester anonyme, nous nous plierons à sa demande) montre ensuite l’implication politique : les dirigeants ne proposent plus de projets qui nécessitent une réflexion, mais gouvernent par impulsions, par stimuli. Cette première partie rend compréhensible la base de l’ingénierie sociale et permet d’appréhender cette évolution de la politique moderne qui semble absurde à tout esprit sain.
Une deuxième partie illustre de citations et d’exemples les différents travaux qui ont été menés sur le conditionnement des foules ou la conduite du changement, afin de dissocier le fantasme complotiste de la réalité des études sur le comportement humain. La citation de Sylvie Pierre-Brossolette en milieu d’ouvrage sonne comme un avertissement : « Est-ce qu’il ne faut pas violer des fois les peuples un tout petit peu pour leur bien ? » (Une référence à la construction européenne). Car c’est bien de viol qu’il s’agit, nous poussant à agir à l’opposé de notre bien propre, du bien commun, de nos intérêts réels et rationnels. Une fois exposées les méthodes employées pour court-circuiter notre raison et atteindre directement nos instincts (même méthodes que celles de la pub), permettant au lecteur de reprendre ses réactions et de constituer un pare-feu intellectuel, l’auteur ne propose pas de solutions en tant que telles, mais dresse le constat de la psychologie des individus, en proposant comme meilleure défense à ses assauts le groupe. L’homme, animal politique, n’existe que par et dans un groupe, l’individu est une fiction. Cette dernière partie a des allures d’examen de conscience pour se situer sur la grille communauté/individualisme et se remettre en question.
Un livre qui permet de mettre des idées et des procédés derrière le chaos apparent de la politique contemporaine et qui propose à son insu un nouvel angle de lecture de la gestion de la crise sanitaire. Face au travail de destruction de nos adversaires qui appliquent la terre brûlée jusque dans nos esprits, le groupe, la communauté, et l’ancrage dans le réel prennent toute leur importance. En bonus, ceux qui travaillent dans des start-ups ou des grosses entreprises anglo-saxonnes ne seront pas surpris de lire en filigrane une description de leur patron.
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