Aujourd’hui nous parlerons d’hommes qu’on rêve d’être parfois. Plusieurs fois, le thème des pirates et de la flibusterie ont été sur les lèvres et la bouche de camarades qui désiraient embarquer sur un brigantin, voguer et faire sécession.

C’est pourquoi je vais vous narrer l’histoire des mutins de la Bounty, une frégate anglaise.

Nous sommes en 1787, à Portsmouth en Grande-Bretagne. En ce 23 décembre, la Frégate Bounty appareille pour Tahiti. La Bounty est une frégate qui auparavant s’appelait la Betia (changer le nom d’un navire pour les marins porte malheur). Elle part en mission chercher des arbres à pain, dont le fruit fournit une farine comestible et très nourrissante, qui pourrait à bas coût servir de nourriture pour les colonies et les esclaves.

La frégate équipée part avec un équipage de quarante-quatre hommes ayant une moyenne d’âge de 20 ans. Les deux hommes forts de l’équipage sont le capitaine William Bligh (33 ans) et son second Christian Fletcher (22 ans). Le capitaine est un excellent marin, intelligent mais dur, avec une voix qui monte dans les aigus quand il s’énerve (chacun fera son analogie).Au moment où ils embarquent, les vents sont violents et la Bounty prend du retard. Ils doivent se presser car le passage par le Cap Horn sera pris par les glaces au mois de mai. L’ambiance est tendue, le capitaine est ambitieux et d’emblée assez dur. Le retard causé par les vents amoindrit les ressources. Bligh est un bon navigateur mais il fait claquer le fouet très régulièrement, le fameux chat à neuf queues arrachait la peau des marins à chaque erreur commise. En effet, les jeunes moussaillons parfois enrôlés de force payaient leur indiscipline.

Après plusieurs mois de navigation, la Bounty dans son atmosphère délétère passe par le Cap de Bonne-Espérance afin d’éviter les glaces du bout de l’Amérique du Sud. Mais il n’en reste pas moins que les hommes manquent de nourriture, ont froid et ne sont réchauffés que par le fouet.

Le 26 octobre, ils accostent enfin à Tahiti. L’équipage découvre cette région luxuriante, où les délices du climat et des autochtones les ravissent. Cet aparté heureux va durer plusieurs mois mais sera ponctué de l’éternel ami du capitaine Bligh : le fouet. Certains après désertions seront même pendus.

Le 4 avril 1788, ils doivent quitter cet Eden. Les tensions sont pesantes entre le commandant Bligh et le fameux Fletcher. Les colères de Blaye sont insupportables et Fletcher va guider l’équipage à la mutinerie. Il fait arrêter Bligh, la grande chaloupe est mise à l’eau avec des officiers et certains matelots. Christian fait couper les amarres, abandonnant les 19 hommes au milieu de l’Océan.

Les qualités de marin de Bligh le sauveront puisqu’il voguera sur cette chaloupe durant 41 jours, parcourant 6000 km jusqu’au Timor. Les 19 passagers saufs retourneront en Angleterre. La traque des mutins commence, la frégate Pandora aura la mission de les trouver.

Les 25 mutins à bord de la Bounty connaissent bien des déboires, car beaucoup étaient simplement des suiveurs et un contingent désir retourner à Tahiti. Fletcher, conscient des risques de retourner là-bas, dépose 16 des mutins. A Tahiti ils se battront pour des broutilles et des femmes, et certains mourront. Ceux qui ont survécu seront trouvés par le Pandora en 1791 et seront jugés et pendus pour la majorité.

Quant à Fletcher et les plus orthodoxes, ils partiront avec des polynésiens probablement pris de force, dans le but de vivre libre et de créer une communauté. Pendant 20 années, nul ne les trouvera.

En 1808, un baleinier américain aborde une île inconnue, des pirogues les accueillent et à leur stupeur les piroguiers parlent anglais. Les Américains veulent rencontrer leur chef, un certain Alec.

Ils mettent pied à terre et sont reçus par ce chef mystérieux dont le vrai nom est Alexander Smith, un matelot jadis châtié par le capitaine Bligh. C’est le dernier survivant de la Bounty. Il vit là-bas avec 34 personnes, lui est un vieil homme entouré de tahitiens et d’Anglais. Il faisait partie des 10 à avoir pris le large avec Fletcher.

Il explique que pendant longtemps la communauté a bien vécu sur l’île, jusqu’à ce que les naufragés se soient entretués, les Anglais considérant que toutes les femmes tahitiennes leur appartenaient.

Des années plus tard, il raconta une autre version à des marins anglais, où Fletcher, devenu tyran, aurait été tué à son tour. Mais personne ne trouva sa tombe. Or, en 1810, un ancien officier rescapé de la Bounty aurait quant à lui vu Fletcher à Portsmouth, laissant donc la fin de cette histoire en suspens.

In fine, cela fait écho à beaucoup d’histoires qui minent les différents groupes que nous connaissons, cette communauté créée à Pitcairn a cru fonctionner. Les causes sont différentes, mais montrent qu’ils n’étaient pas préparés. Le chef devint un tyran et fut assassiné, tous voulaient les mêmes femmes et n’avaient pas le même but. Cette robinsonnade n’a pas duré dans le temps sauf pour notre ami Smith.

Aujourd’hui, créer une communauté est un objectif sérieux et solide, un objectif plein d’avenir, mais il vaut mieux être entouré de personnes que l’on connaît, avec un horizon et des projets communs. La morale de cette histoire : chacun sa femme !