La crise sanitaire actuelle interroge, exaspère, mais vient surtout titiller le tout venant, qu’il soit le boucher du coin ou l’intello de la haute. Tous sentent que quelque chose cloche, tous ont cette intuition mystérieuse que la gestion gouvernementale vise à côté, une fois n’est pas coutume. Même si la plupart vont étouffer ce pressentiment en allumant robotiquement BFM, il est nécessaire d’explorer les raisons de cet agacement généralisé, du moins, en explorer une : la vision du risque dans notre société.

Aujourd’hui, on entend par risque la possibilité qu’un élément considéré comme mal advienne. L’opinion commune semble donc nous dicter que le risque est lié à l’idée d’une nuisance potentielle, incertaine. Le gouvernement ne cherchant surtout pas à dépasser ni même interroger cette pensée commune, endosse cette acceptation du risque, et dès lors on comprend aisément que l’attitude première est de limiter à tout prix les effets de ce dernier. Ainsi, la présente situation en est le parfait exemple: la vision péjorative du risque aujourd’hui mène à faire du principe de précaution l’alpha et l’oméga de toute décision.

Mais à quoi bon tenter d’éliminer le risque à tout prix ? Ne soyons pas dupes, les conséquences sont terribles. Très concrètement, à l’heure actuelle, au nom du sacrosaint risque de contamination, on empêche le français de vivre pour ne surtout pas qu’il meurt. Alors comment prendre le contre pied de cette politique plus meurtrière que le pangolin lui-même ? En creusant, et en comprenant que c’est finalement deux visions de l’homme qui s’opposent. En un an et demi de covid, on a réussi à vous faire croire que l’homme n’est plus ni animal raisonnable, ni animal social, et encore moins animal politique. Aristote est bien mignon, mais son anthropologie ne permettant pas de justifier le bal des confinements, elle dégage. L’homme est désormais un danger à lui tout seul, potentiel porteur de virus, on le cache en exigeant qu’il consomme à outrance. Toutefois, en retrouvant une vision positive du risque, on peut retrouver une vision constructive et fondatrice de l’homme.

En 40, c’est Simone Weil qui est convoquée par le Général de Gaulle, qui souhaitait une nouvelle Déclaration des droits de l’homme, soit un nouveau texte capable de véhiculer une définition universelle de ce dernier. Cet écrit formera l’Enracinement publié en 1949 sous la direction de Albert Camus. A cette occasion, Simone Weil est formelle : le risque n’est pas un danger mais une nécessité. Dans cette œuvre, elle nous livre : “ Le risque est un besoin essentiel de l’âme. L’absence de risque suscite une espèce d’ennui qui paralyse autrement que la peur, mais presque autant. (…) L’absence de risque affaiblit le courage au point de laisser l’âme, le cas échéant, sans la moindre protection intérieure contre la peur”.

Avec la philosophe, il paraît urgent de reconsidérer l’appréhension que nous avons du risque et d’envisager celui-ci non pas comme un danger absolu, mais bien comme un élément naturel dont l’existence est directement liée à la nature raisonnable de l’Homme. Autrement-dit, la conscience du risque dans nos vies conduit non pas à l’inaction mais bien au dépassement de soi et à l’accomplissement d’actes audacieux. Sans risque, l’homme ne choisit plus, ne délibère plus, n’accorde plus de valeur à ses décisions, ne vit plus en somme.

Ainsi, si le principe de précaution, principe selon lequel on agit toujours en tentant d’éviter des potentielles conséquences néfastes, reste le principe fondateur de nos sociétés, alors on tue l’homme en tuant son courage et en affamant son âme. Face à ce principe stérile, exerçons plutôt la vertu de prudence, vertu nous permettant de discerner les meilleures moyens pour la meilleure fin, mais cette vertu pratique pousse avant tout à l’action. Elle pousse l’homme à délibérer certes, mais pour mieux agir, tout en sachant que le risque de se tromper demeure en tant qu’il est le fioul de notre existence. Le voila, le contre pied !

La tétanie ambiante face au risque paralyse, et pousse, au nom du principe de précaution, à clamer des absurdités telles que “restez chez vous, sauvez des vies”. Relisez ou lisez tout simplement Simon Weil, comprenez ce qu’est l’homme, quels sont ses besoins, soignez votre âme, aimez le risque, et ainsi : sortez de chez vous, sauvez des vies !