Chacun voit midi à sa porte. Les cathos dénoncent la pornographie et les lois bioéthiques, les écolos veulent sauver l’environnement, les identitaires préserver l’identité, les entrepreneurs réduire les taxes, les marxistes abolir les rapports de domination économique…
En fonction de notre origine culturelle et socio-économique nous avons tous été marqués en tout premier lieu par un problème, une injustice ou une lutte spécifique. Mais, pour la plupart, ce qui aurait dû être une porte d’entrée, vers un éveil politique plus large, s’est contenté de devenir une fixette au travers de laquelle ils n’entrevoient rien d’autre : le problème que j’ai identifié est le plus grave, puisqu’il est issu de ma réalité tangible, les autres se préoccupent de choses moins importantes, désincarnées ou sont des gros cons.
Notre système sait très bien jouer sur ce sentiment en favorisant une lutte au détriment d’une autre et en détournant la première au prétexte de s’opposer aux excès de la seconde. Vous vous opposez à l’insécurité inhérente du multiculturalisme, vous aurez la surveillance globale. Vous dénoncez les violences policières, vous aurez l’impunité pour les lucratifs trafiquants de drogue et la répression pour les honnêtes citoyens contestataires.
Cette stratégie aboutie tout logiquement à ce que chacun pense que celui qui mène une autre lutte que la sienne est un « idiot utile » chargé de brouiller le combat politique en mettant en scène de fausses revendications. On peut ainsi voir des anticapitalistes applaudir la PMA, des patrons catholiques souhaiter la fin des acquis sociaux, des nationalistes-révolutionnaires perturber des cortèges syndicaux, des conservateurs se gausser qu’un zadiste soit tué par des gendarmes et des gauchistes se réjouir qu’un « facho » se soit fait tabasser par des magrébins en essayant de défendre des jeunes femmes. Les « stress » légitimes de chaque composante de notre peuple s’annulent entre eux au lieu de converger.
« Le besoin de haute conscience » est une idée développée par Lénine dans Que Faire ? Il critique par cette formule les socialistes « spontanéistes » qu’il traite de révolutionnaires incompétents en ce qu’ils cantonnaient les ouvriers russes dans leurs revendications spécifiques et locales sans chercher à les ouvrir à une compréhension plus large du système qui les opprimait. En agissant ainsi ils les condamnaient à devenir tôt ou tard des outils pour ce système et à ne jamais avoir l’initiative sur lui. « Or, l’une des conditions essentielles de l’extension nécessaire de l’agitation politique, c’est d’organiser des révélations politiques dans tous les domaines », écrivait-il.
Mais aujourd’hui, quelle serait la clé pour permettre des « révélations politiques dans tous les domaines » ? Ce n’est pas parce que nous étions sous une « dictature socialiste » que le mariage homosexuel a été adopté. Ce n’est pas parce que nous serions dans un régime en voie de fascisation que la police dispose de moyens de surveillance et de prérogatives toujours plus étendus. Ce n’est pas parce que nos gouvernants sont des baboucholâtres inavoués qu’ils permettent l’arrivée de centaines de milliers d’extra-européens tous les ans. Il n’y a qu’un seul lien entre tous ces faits : le Profit. Étendre toujours plus le marché là où subsiste de la gratuité et remplacer les rapports économiques désuets par d’autres plus efficients pour sans cesse optimiser la machine. Les 200 000 avortements annuels (parce qu’élever des enfants ça prend du temps et le temps c’est de l’argent) ne correspondent-ils pas aux 200 000 entrées d’immigrés annuelles (jeunes hommes directement disponibles pour doper le marché du travail) ?
A la lumière de cette évidence, il nous est possible de voir les luttes qui nous sont étrangères, ou instinctivement hostiles, avec un regard neuf. Le zadiste ne cherche-t-il pas à protéger l’environnement autant que le catho la nature humaine ? Si le système est cohérent nous devons l’être aussi pour le comprendre et espérer le déjouer.
Il ne s’agit pas de rêver à une improbable « union sacrée ». Les Gilets Jaunes nous ont bien montré que la coexistence de différentes luttes ne durait jamais. Nous ne devons pas nier ce que toutes les luttes peuvent avoir de faux ou d’incohérent mais en ayant cette « haute conscience » nous pourrons également voir ce qu’elles contiennent de juste et les pousser en ce sens.
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