Le funeste destin de la chasse | Dextra

Un récent accident de chasse mortel survenu dans le Cantal au mois de février 2022 a relancé la guerre larvée entre les pros et anti chasse. Les premiers se réclamant de la défense de certaines traditions et de leur rôle de régulateurs, les seconds de la défense des animaux et dénonçant la barbarie d’une pratique jugée inutile et désuète.

Qu’on se le dise, sauf imprévu majeur, la chasse en France est condamnée à disparaître. Les arguments utilitaristes ou éthiques d’un camp comme de l’autre s’effacent devant la réalité implacable des faits : la nature se meurt, presque toutes les espèces sauvages voient leurs populations diminuer plus ou moins vite.

Parmi les milles et unes causes (pollutions diverses, pesticides, découpages et aménagements du territoire, …) nous n’en retiendrons qu’une seule qui nous semble la principale et synthétise toutes les autres : tous les 7 ans c’est l’équivalent d’un département français qui est urbanisé. Et c’est autant d’espaces en moins pour les espèces sauvages. C’est le fameux arraisonnement de la nature.

L’autre raison est sécuritaire. Laisser au peuple un moyen facile de s’armer légalement est dangereux pour un système qui entraîne la paupérisation du plus grand nombre et qui n’assure plus, ou de moins en moins, sa mission de protéger ses administrés. D’ailleurs, depuis le 8 février 2022 les chasseurs sont sommés d’inscrire les armes qu’ils possèdent sur le « râtelier virtuel », le SIA, et toutes les catégories de détenteurs d’armes seront invitées à faire de même au cours de l’année. La note du Ministère de l’Intérieur précise que ceux qui n’auront pas obtempérés au 1er juillet 2023 « risquent d’être dessaisis » de leurs armes, mais elle se veut rassurante, « les formalités et données enregistrées dans le SIA existaient déjà avant sa création, sous format papier le plus souvent et dans AGRIPPA. Les exigences de traçabilité des armes sont optimisées à l’aide du SIA ». Il ne s’agit en définitive, et une fois de plus, que de faire un pas de plus vers la surveillance globale de la partie pacifique de la population pour lui ôter toute velléité d’autodéfense et d’insurrection. Et ça aussi on en a déjà parlé.

Mais en dépit de son inexorable fin, la chasse française pourrait durer quelques temps encore en empruntant les voies que lui propose le système :

D’abord, le contrôle, que nous évoquions précédemment. Afin que la chasse, comme le tir sportif, ne représente plus une potentielle menace au monopole de la violence étatique mais ne soit qu’un loisir léger et dont on puisse priver n’importe qui en cliquant sur un simple bouton.

Surtout, qu’elle reste un juteux business. Les armes, les équipements divers, les évènements, l’entretien d’espaces naturels, des équipages, … L’impact économique de la chasse française est de 3,6 milliards d’euros par an. Elle apporte 2,1 milliards d’euros par an de valeur ajoutée à l’économie nationale (PIB). Elle est donc largement rentable et c’est à ce titre principal qu’elle est tolérée par le pouvoir en place.

Ensuite, et en lien avec le paragraphe précédent, l’artificialité. Il est très difficile d’avoir une vision claire de ce que représente la part d’animaux lâchés façon galinette cendrée chaque année. Une estimation honnête serait de constater qu’elle reste marginale pour les gros gibiers, encore largement présents à l’état sauvage, mais qu’elle est déjà devenue une petite industrie pour certaines espèces de petits gibiers, notamment le faisan pour lequel l’ONCFS reconnait que « l’essentiel de ce prélèvement est réalisé sur des oiseaux d’élevage ». Les chasses en enclos fermés de Sologne, bien fréquentées par les pontes du CAC 40, illustrent bien ce possible avenir des chasses artificielles et rentables : un beau décor, un abattage massif et facile (on en veut pour son argent) et on abandonne son gibier dans les poubelles au bord de l’A10 qui nous ramène vers Paris.

Et peut-être, sécuritaire ? En janvier 2018, la préfecture de l’Oise avait formé une brigade de 200 « chasseurs vigilants » qui devaient « observer les faits anormaux » et « signaler à la maréchaussée tout fait anormal, via un canal de communication privilégié ». En avril 2020 le préfet de Seine et Marne avait suggéré que les chasseurs appuient les forces de l’ordre lors du confinement pour « prévenir et signaler aux représentants des forces de l’ordre les infractions aux règles locales du confinement » avant de faire machine arrière et de ne donner ses prérogatives qu’aux gardes chasses et autres agents assermentés. Enfin, dans une récente interview, le président de la Fédération nationale des chasseurs déclarait vouloir négocier avec le gouvernement pour que certains chasseurs puissent obtenir des pouvoirs de police pour lutter contre « la délinquance rurale et environnementale. […] Il s’agirait de dresser des procès-verbaux et de constater des flagrants délits ».

Il ne s’agit pas de nier la montée de l’insécurité en milieu rural, ni du devoir des chasseurs de défendre leurs droits sur leurs territoires. Mais justement, ce qui pourrait être une opportunité pour récupérer du pouvoir, à savoir assurer soi-même sa défense et ne rien devoir à l’Etat, risque de se transformer en mission de supplétif des forces de l’ordre avant que celle-ci ne vienne définitivement vous désarmer. On est loin de La Billebaude et de L’Ecole buissonnière !

Ces perspectives ne sont guère réjouissantes et nous espérons nous tromper. Mais une chasse stérile et se parodiant elle-même ne vaudrait pas le coup d’être défendue. La chasse n’est belle qu’en ce qu’elle permet à l’homme de retrouver, même pour quelques heures, sa place dans l’ordre naturel. Ou comme le décrivait si bien Dominique Venner dans son Dictionnaire amoureux de la chasse : « Avec l’enfantement, la mort et les semailles, la chasse est peut-être le dernier rite primordial à échapper partiellement aux défigurations et manipulations d’une mortelle démesure ».