Dans les milieux militants, qu’ils soient de droite ou de gauche, on a vite la tentation de se prendre pour la race des seigneurs et à « mépriser » le monde extérieur. Que celui, qui n’a jamais traité de « cuck », de « social-traitre », de « bourgeois » ou autres noms d’oiseaux le type qui pourrait avoir nos idées sans s’engager, me jette la première pierre. Il y a deux raisons à cela :
-La première c’est la maigreur de nos troupes. En cette fin de siècle troublée, où la modernité a quasiment fini son emprise sur nos vies, il est désespérant de voir de bons gars solides, ayant de bonnes idées et de bonnes valeurs, ne pas tenir la ligne quand on manque cruellement de combattants. Le militant a toujours l’impression de se battre seul et de devoir vider des océans à la petite cuillère sans espérer les renforts nécessaires. Dans ce combat inégal il considère vite comme planqué le type qui commente confortablement la situation en se lamentant des maux qui touchent notre pays mais qui refuse de mouiller le maillot.
-La seconde raison est plus pragmatique. La plupart des militants politiques tombent dans le combat très jeune. Il n’est pas rare de voir des gamins de 17 ans, fraichement débarqués à la ville, se lancer dans le militantisme et n’ayant de ce fait qu’un groupe de potes exclusivement composé d’affreux. Ils vivent en vase clos et jugent un homme sur le sang versé.
Je ne suis pas sociologue et je ne peux vous expliquer pourquoi certains grimpent sur la barricade quand tant d’autres préfèrent juste mettre des likes sur Facebook et se partager des montages foireux sur WhatsApp. En revanche ce que je sais, c’est que dans une guerre, il faut un front et un arrière. Il faut l’accepter : tout le monde n’a pas la vocation combattante, tout le monde, pour diverses raisons, ne veut ou ne peut pas prendre cet engagement. Et en soi, mieux vaut un commando déterminé, efficace et mobile qu’une armée de conscrits qui ne veut pas être là et ne vaut pas un clou. La guerre d’Algérie en est le parfait exemple.
Carl Schmitt, dans la théorie des partisans, l’explique très bien. Nous ne pouvons battre notre ennemi à la régulière, nous ne pouvons aligner ni les hommes ni le matériel pour lui faire face. Il nous faut donc agir en guérillero, dans son dos, pour mener des attaques ciblées et efficaces. En revanche la guérilla ne fonctionne que si le soldat peut se reposer et se fondre dans une population de civils acquis à sa cause. C’est grâce à cette méthode que le Viet Minh a éclaté deux des principales puissances militaires occidentales en 30 ans.
Ainsi, en méprisant le « civil » car il ne porte pas les armes, on se coupe de notre base arrière et on ne peut plus opérer. Comme disait Mao : « le rebelle doit vivre dans la population comme un poisson dans l’eau ». A force de se faire traiter de bourgeois, le type acquis à nos idées se détourne du combat et ne fournit pas l’effort qu’il devrait fournir. Il préfère se défendre en nous considérant comme des fanatisés, des brutes, des bas du front, ou des gamins qui jouent à la guerre.
Chers amis militants qui nous lisent, le seul conseil que je peux vous donner, c’est de dorloter vos arrières. Il faut évidemment mépriser, voire combattre les sacs à merde qui restent à l’écart du monde et se concentrent sur leur profit et leur égoïsme individuel, mais il faut tendre la main aux bons gars qui pour une raison ou pour une autre ne se sont pas engagés. Ils n’ont peut-être pas les reins pour tenir la rue mais peuvent offrir beaucoup d’autres services, qu’ils soient financiers, professionnels ou simplement une aide ponctuelle qui peut faire basculer une situation à un moment T.
Pour illustrer mon propos, je vais vous raconter une histoire vraie. Il y a quelques années un jeune militant se fait serrer dans une manifestation pour violence sur policiers. C’est témoignage contre témoignage et le gars sait que la parole d’un suspect ne vaut rien face à des témoignages de forces de l’ordre. Croyez-le ou non, cinq personnes ont fait de faux témoignages pour le couvrir et lui empêcher la prison. Et ces cinq personnes étaient des civils, pas militants pour un sou. Ils l’ont fait par amitié, pour la cause, mais surtout par amitié pour le prévenu qui avait réussi à jeter des ponts entre les groupes de combat et l’arrière. Prenez-en de la graine et soyez gentil avec « les civils », ils vous le rendront bien.
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