Le retour des lois scélérates | Dextra

Dans « Ennemis d’Etat, les lois scélérates des anarchistes aux terroristes » publié aux éditions la Fabrique, Raphaël Kempf, avocat au barreau de Paris, analyse les lois anti anarchistes promulguées en France à la fin des années 1880.

Il montre comment ces lois qui visaient à réprimer les anarchistes se sont étendues à tous les prévenus, les délinquants de droit commun.

Le parallèle avec l’état d’urgence peut être fait: la droite libérale et réactionnaire a choisi de l’applaudir parce que c’était le renforcement des pouvoirs de police et le glissement vers un Etat policier qu’une partie de la droite appelle de ses voeux.

Notre objectif est différent.

La loi sur l’état d’urgence qui visait, dans un premier temps, dans l’opinion publique, à frapper les terroristes islamistes s’est finalement appliquée à tout le monde : militants altermondialistes assignés à résidence, filtrage des gilets jaunes en haut des Champs-Elysées.

La loi scélérate peut être identifiée par plusieurs critères :

– elle est adoptée dans l’urgence,

– elle procède d’un discours de protection des libertés mais par oxymore. Les lois anti-casseurs dans cette rhétorique viseraient à renforcer le droit de manifester alors qu’en réalité elle le diminue pour tous,

– elle est conçue par la police et pour la police, pour lui faciliter le travail et lui donner des pouvoirs toujours plus exorbitants,- elle vise certains mais s’applique à tous.

– et le plus important, elle vise l’intention plutôt que l’acte. En principe, la répression s’exerce sur un acte ou un commencement d’exécution. La loi scélérate sonde l’intention avant tout acte. Par exemple, une simple personne chantant dans un bar une chanson anarchiste pouvait être envoyée au bagne. Dans l’esprit du pouvoir répressif, quelqu’un qui commence par chanter une telle chanson publiera un tract anarchiste demain et, après-demain, commettra un attentat. C’est le délit d’intention.

Il n’est pas possible de se réjouir de l’adoption de telles lois.

Si, aujourd’hui, elles visent à réprimer et punir les ennemis de la nation, elles pourront demain, dans les mains du pouvoir, viser ceux qui s’opposent à lui.

https://www.monde-diplomatique.fr/2020/01/KEMPF/61188