Cette brève étude reprend les fondements philosophiques de notre démocratie moderne. Madiran l’oppose à la démocratie classique, qui selon lui est simplement la désignation des gouvernants par les gouvernés. La différence entre ces deux types de démocratie est au fond la référence à un autre. Tandis que la démocratie classique se fonde sur une religion dont découlent des droits naturels, la démocratie moderne ne se fonde que sur elle-même. Elle est sa propre référence et son propre idéal. Pour un démocrate moderne, il n’est pas possible de penser qu’un autre système politique puisse être juste. De plus la désignation des gouvernants par les gouvernés est le seul fondement de la légitimité ; le pouvoir démocratique devient alors un pouvoir illimité.
On en arrive ainsi aux dogmes de l’homme moderne occidental : la démocratie est bonne parce que le bien c’est la démocratie ; la démocratie est juste parce que le droit c’est la démocratie ; la démocratie est dans le sens du progrès parce que le progrès consiste dans le développement de la démocratie ; la démocratie c’est la paix civile, parce que tous ceux qui s’opposent à la démocratie sont politiquement ou physiquement liquidés par la démocratisation. Pas de liberté pour ceux qui sont réputés ennemis de la liberté ; pas de garanties démocratiques pour les adversaires de la démocratie. Le crime du fascisme aux yeux de la démocratie est de reconnaître des droits ou critères moraux qui ne se rapportent pas à la démocratie, tels que la famille, le métier, la race, la religion…
Madiran analyse également la pensée de deux papes qui ont marqué l’histoire des catholiques en France dans leur rapport à la démocratie : Léon XIII et Pie XII. Il constate finalement que si la religion catholique n’est pas parvenue à christianiser la démocratie française, la démocratie moderne n’a cessé de démocratiser le christianisme, jusqu’à le vider de lui-même.
Bref, cet essai est parfait pour une prise de hauteur par rapport au fondement le plus profond de notre système politique et de la pensée moderne. Madiran est un auteur catholique, ce qui se sent dans son écrit mais son argument de fond est la nécessité d’une référence extérieure au système politique (religion, droit naturel) pour sortir du risque totalitaire dans lequel nous courons tout droit. Au moment où Madiran écrit (1977) il vise principalement le marxisme, ce qui peut paraître daté en 2021 ; néanmoins les conclusions auxquelles il arrive sont d’une cruelle actualité en période de « confinement / pass sanitaire / … ». Qu’un penseur (tout comme Pie XII en 1944), à partir d’une analyse philosophique et historique ou religieuse, puisse arriver à cette lucidité sur ce qui n’est pas encore tout à fait advenu à son époque devrait nous inciter à nous aussi prendre du recul pour la réflexion !
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