Ce n’est pas parce qu’un mouvement social nous paraît souhaitable ou sympathique, qu’il ne faut pas en reconnaître les faiblesses et les échecs. Ainsi du convoi de la Liberté qui semble déjà s’essouffler.

L’alchimie d’un soulèvement social est difficile à trouver et force est de constater que l’ensemble des ingrédients semblent ne pas être présents aujourd’hui.

Le timing tout d’abord : né au Canada, le projet en France se heurte à un calendrier électoral qui a l’habitude de geler les velléités contestataires. Traditionnellement, l’approche des élections est souvent l’occasion de l’espoir un peu fou, que le nouveau président va changer les choses et qu’il est donc inutile de se soulever. Force est de constater cependant que ce mythe fondateur semble s’être un peu fissuré, le convoi ayant malgré tout su mobiliser un peu. L’avenir nous dira si le mantra électoraliste persiste ou si comme tant d’autres mythes celui-ci s’écroule, rebattant un peu plus les cartes et rendant le pays encore un peu plus ingouvernable.

Le mode d’action ensuite : Si l’idée de se convoyer jusqu’à Paris en voiture semble spectaculaire, le litre de Sans Plomb à près de 2€ et les contraintes professionnelles réduisent – de fait- le nombre de militants actifs. Ne peuvent s’engager dans l’action que des gens qui n’ont plus rien à perdre et qui crèvent littéralement de faim. Le système social français maintenant des millions de gens dans la pauvreté permet aussi de les maintenir un peu au-dessus de l’état de survie, les laissant dans l’idée que « cela pourrait être pire » et stérilisant par la même une bonne partie des soulèvements populaires.

Le mot d’ordre enfin : La question du Pass a fracturé la société et il était difficile de réussir à transformer une revendication à la fois localisée et corporatiste en mot d’ordre unitaire et international. Le mouvement est né au Canada des camionneurs empêchés de traverser la frontière pour travailler à cause de la demande de Pass Vaccinal. Force et de reconnaître que le Pass Vaccinal comme l’ensemble des mesures gouvernementales semble -hélas et pour notre plus grand malheur- accepté ou tout au moins toléré par le plus grand nombre. L’égoïsme moutonnier fait que la majorité, piquée et jouissant ainsi de ses « droits » à consommer n’est pas prête à faire la révolution pour si peu. Le mot d’ordre semble donc décalé pour une population vaccinée à prêt de 90% et où certes ce sont les non vaccinés que l’on entend le plus.

L’irruption formidable des gilets jaunes semble ne pas devoir se recréer de sitôt. L’essence est à son plus haut et la grogne permanente semble ne pas devoir se traduire dans les actes, même pas probablement dans les urnes où l’engouement pour Zemmour chez certains ne fera pas forcément pour autant beaucoup baisser le nombre d’abstentionnistes.

Bien malin celui qui pourra prédire le prochain soulèvement, et bien plus malin encore celui qui arrivera à transformer un soulèvement de la société du spectacle, ivre de consommer comme les riches en réel débouché social et anthropologique.