L’auteur populaire américain Philip K. Dick est considéré comme l’un des pères (notamment avec William Gibson) d’un genre de science fiction particulier : le cyberpunk. Univers ultra-technologique dans un futur proche, le cyberpunk permet de poser bon nombre de questions morales et politiques sur le chemin que prend notre société.

Au cinéma, Philip K. Dick a eu (et a aujourd’hui encore) une énorme influence. De toutes les adaptations de ses livres, la plus pertinente restera toujours le Blade Runner de Ridley Scott sorti en 1982. Ville dense, polluée, surpeuplée, robotisée avec des publicités à outrance, le film est une véritable œuvre politique profonde et poétique. Récemment (en 2017), le canadien Denis Villeneuve s’est attelé à cet univers en sortant une suite pas moins qualitative : Blade Runner 2049. La grande force de cette suite réside dans le fait d’apporter un vent de fraîcheur au genre cyberpunk, qui n’est aujourd’hui cantonné qu’à un univers « cool » avec des néons partout.

Mais quel est ce vent de fraîcheur ?Chacune de ces œuvres, malgré l’univers commun, appartient à son époque et arrive à saisir parfaitement les nombreux problèmes de son temps.

Sans tomber dans le dialogue pompeux, Denis Villeneuve propose une lecture politique à travers les images. Et c’est la nature profonde du cinéma : montrer en un seul plan, sans dialogues ou explications, le propos de son auteur. Par exemple, le film bénéficie d’une scène où l’on voit le policier robot joué par Ryan Gosling arriver à son appartement. Dans l’immeuble, on se rend compte que des gens pauvres vivent dans les escaliers, sans logement décent. En à peine quelques plans, Villeneuve nous fait comprendre toute l’absurdité d’une société où l’on crée des humanoïdes plus beaux et « performants » que les humains alors que la majorité de ceux-ci vivent pauvrement.

Tout le discours de ce deuxième opus tourne autour du « faux ». Car chaque scène nous montre des relations fausses entre les humains qui font la guerre par écrans interposés (drones), qui peuvent entretenir une relation amoureuse avec un logiciel et par conséquent ne savent plus ce qu’est l’amour réel et la relation sexuelle, et enfin qui n’ont même pas d’animaux de compagnie puisque ceux-ci ne sont que des répliques. Tout est monnayable, c’est le capitalisme à outrance qui vend littéralement les relations humaines. Il y a, dans Blade Runner 2049, un discours politique inexistant dans le premier Blade Runner : le rapport au corps et la manière dont le système détruit tout jusqu’à la nature humaine.

Sous ses airs de blockbuster américain, Blade Runner 2049 est en fait une œuvre totalement unique dans le cinéma américain actuel. Au milieu des super-héros et Jedi, ce nouveau Blade Runner s’impose comme une anomalie et tout simplement comme une œuvre d’art.

C’est ça, le cinéma.

Retrouvez une chronique sur Blade Runner sur Radio Virus :https://www.youtube.com/watch?v=I71IecgksiY&t=17s