L’homme est un animal rationnel. Depuis Aristote, on le sait, on le répète, et on l’oublie, en préférant ne parler que des justifications de nos souhaits égoïstes. Il est utile de commencer par l’importance de cette définition.

Animal rationnel donc. Animal tout d’abord. Cela signifie que l’homme est corporel, matériel. Et ce point à lui seul est capital. Le corps pose dès le départ la question de limite et la question de frontière. La nature humaine vient avec une forme, le corps humain, qui empêche, par exemple, de voler. Et cette limite est à la fois une école de la frustration et nous montre que nous ne sommes pas infinis, mais également est une des raisons du dépassement de soi (il suffit de se replonger dans l’histoire de l’aviation). Le corps est également la cause de la frontière, car il n’est pas possible d’être deux au même endroit. Cela engendre la guerre pour le lieu, et donc, par extension la politique, prolongement de la guerre par d’autre moyens. Guerre et politique vont de paire avec le concept d’altérité, et c’est encore notre animalité, notre corporéité, qui en est le principe.

Cependant l’homme, contrairement aux modernes et aux scientistes, n’est pas qu’un amas de cellule. Il possède une âme. Celle-ci est le « principe de son mouvement » comme le disent Aristote ou Thomas d’Aquin, autrement dit l’homme peut se mouvoir lui-même, mais peut également tendre vers la perfection de sa nature. Cette perfection peut être physique par la croissance et l’entretien du corps, comme on l’observe chez un bébé qui devient adulte, ou perfection morale par l’éducation des vertus. Cette âme est la base de notre rationalité, de la capacité de faire preuve d’intelligence et de volonté, et donc de discerner le bien et de mettre en œuvre les moyens utiles pour l’obtenir (on notera que ceci n’est pas en opposition avec les avancées de la science sur le fonctionnement du cerveau).

L’homme, âme et corps, ou animal rationnel, porte donc en lui part sa nature le besoin de la politique, mais celle-ci, contrairement à la meute des loups ou à la fourmilière, n’est pas purement instinctive mais orientée et dirigée par sa raison. Les abeilles ont instinctivement, dans leur nature, de s’organiser en ruche, autour d’une reine, et de faire des alvéoles, de communiquer par la danse. L’homme, quant à lui, par son âme rationnelle, a la possibilité de choisir les moyens en vue de l’organisation de la cité. Et c’est une déchéance de la nature humaine que de vouloir ignorer la politique.