Innovation sémantique ou nouveau tic de langage, les hommes politiques s’emparent de ce concept qui est de plus en plus utilisé et qui est qui est considéré comme une mutation des valeurs et des pratiques. Qui pourrait être contre l’inclusion ? Est-ce un mot de plus pour la novlangue politico-médiatique ? Quelle(s) idéologie(s) cache ce nouveau concept ?
L’inclusion renvoie au fait d’inclure dans un ensemble. Il est utilisé dans le sens de l’insertion économique et sociale, culturelle et civique. Ce terme est utilisé à l’heure actuelle avec une conotation méliorative bien que son origine latin inclusio signifia emprisonnement. Cette notion, d’apparence consensuelle, aurait pour objectif de faire infléchir les politiques en faveur d’une approche sociale.
Tendre vers une société inclusive c’est permettre son développement durable dans une croyance progressiste, d’amélioration nécessaire et constante de l’homme. Ce terme s’impose dans le monde associatif et se cristallise autour de la question du handicap et du rejet de la discrimination et la marginalisation des personnes différentes et s’applique notamment aux enfants à besoins éducatifs particuliers. La logique de filières spécialisées est ainsi rejetée au profit d’une incorporation des élèves dans des classes dites classiques. L’égalitarisme, poussé à l’extrême, refuse ainsi de considérer les situations particulières et incorpore systématiquement au système normatif sans tenir compte des difficultés que cela peut engendrer. Il induit nécessairement un nivellement par le bas.
L’inclusion sous-tend un projet politique universaliste qui s’inscrit dans la lignée des droits de l’Homme dans une logique de cohésion sociale et d’uniformisation voire de quasi domestication. L’inclusion devient le corollaire de la citoyenneté et le but de la société, comme référentiel de l’action publique ayant pour but de « construire une société inclusive ». L’inclusion fleurit ainsi dans les différents textes normatifs : déclaration de Salamanque (1994), règles pour l’égalité des chances promulguées par l’ONU (1994), charte du Luxembourg de l’UE (1996), agenda de Lisbonne pour évaluer les politiques publiques (2002). Ce terme vient supplanter les notions d’intégration et d’insertion. Elle s’oppose à l’exclusion et on comprend alors mieux sa proximité avec le mythe égalitariste.
On peut également y voir une résurgence de la notion de ‘care’, de soin comme nouveau champ lexical en vogue que l’on peut rapprocher des notions de ‘bienveillance’ et de ‘bien-être’.
Considéré comme un défi démocratique, l’inclusion vise à rendre audibles et visibles les exclus du monde politiques, les marginaux, les minorités bâillonnés par l’infâme tyrannie démocratique. Les lobbys de toutes sortes y sont rois et influencent le conflit social pour obtenir de la reconnaissance, brandissant la liberté d’expression comme un étendard et se considérant comme des victimes du système, se battant pour la justice et la faisant entendre la voie des opprimés. On aménage alors des temps de parole, des simulacres de prise de conscience pour mieux étouffer les revendications. « Je vous ai entendu, je vous ai compris » qu’il disait.
L’inclusion exalte les velléités identitaires tout en prônant un modèle unique et universaliste où tous doivent s’incorporer pour faire partie du grand tout, de l’agglomérat informe et indifférencié démocratique et ses dérives relativistes où « tout se vaut ».
Finalement cette notion permet d’inscrire le champ social dans la mondialisation et la logique du capitalisme marchand sous couvert d’une apparence d’humanisme. Tout individu doit être rattrapé par le marché afin de passer d’un consommateur potentiel à un consommateur à part entière. Les premiers critères de l’exclusion étant la pauvreté et le chômage. Tout agent en dehors du système et exclu est considéré comme inadmissible car il est non rentable, marginal donc représentant une potentielle menace. Ce n’est ni plus ni moins qu’une pérennisation de l’économie. Dispositif de cohésion sociale, il vise à éviter les crises sociales potentielles qui pourraient venir déstabiliser l’ordre économique établi.
Inclure c’est alors surveiller et contrôler c’est s’assurer de la docilité et la maitrise des comportements sociaux. Quelle place laisse-t-on alors à l’autonomie et à la liberté ?
Derrière ces mots anodins se cache l’utopie d’un effacement des divisions et d’une société uniforme. L’uniformité n’est pas l’égalité, ce n’en est que l’illusion. L’Homme est, par nature, fait pour s’accomplir en désirant aller plus loin, en progressant. En cela l’égalité interdit la liberté (de se dépasser soi-même). Alors vouloir atteindre l’égalité, l’inclusion, en plus d’être une illusion démocratique, ne serait-ce pas la négation même de l’Homme ? Il faut, au contraire, se fixer l’excellence pour but et refuser la passivité et le discours que nous impose ceux qui monopolisent le débat public. La reconquête passera aussi par la sémantique.
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