Qui n’a jamais entendu parler de la fameuse main invisible d’Adam Smith ?
Pour faire court, un concept économique qui théorise, que la somme de la poursuite des intérêts individuels concourent à la réalisation de l’intérêt de la société (politique et non économique).Chacun cherchant à amplifier sa richesse, est obligé de favoriser son “entourage proche”. Acheter des matières premières au plus proche, rétribuer correctement ses salariés pour pouvoir conserver leur savoir-faire et plein d’autres exemples. Ajoutez à cela, le sacro-saint principe d’équilibre de l’offre et de la demande et vous aurez les balbutiements de la doxa économique actuelle : le libéralisme permet par l’accroissement constant des richesses, la hausse du niveau de vie des populations.
Passons outre ce concept de croissance illimitée, passons outre la question de la propriété et de son usage, mettons en scène un petit cas pratique : l’état du marché pour les travailleurs à faible valeur ajoutée. Ces derniers correspondent à tous les métiers, les petits jobs, où finalement mis à part vos bras, et parfois votre diction, peu de compétences techniques sont requises : manutentionnaire, cueilleur, livreur, standardiste, femme de ména… pardon agent technique de surface , tous ces petits métiers qui permettent à leurs sociétés (pour le coup politique et économique) de tourner.
On peine à recruter dans ces secteurs, qui n’a jamais entendu que les “français” ne veulent plus travailler, qu’ils sont devenus flemmards et préfèrent s’engraisser chez pôle-emploi. Alors on peut remettre en cause notre système d’assurance chômage (mais il s’agit bien d’une assurance à laquelle il faut avoir cotisé et non une aide gratuite), on peut aussi remettre en cause le droit du travail, les complexités de licencier un salarié, surtout pour les plus petites structures, mais ce que l’on remet jamais en cause, c’est le prix de ce travail, le coût de la main d’œuvre.
Normalement le coût de la main d’œuvre est censé s’ajuster en fonction de l’offre et de la demande, d’une part l’employeur est obligé de monter son offre pour pouvoir disposer de bras, d’autre part, le travailleur est obligé de ne pas monter trop haut ses prétentions pour ne pas mourir de faim. Mais alors là où cela se gâte, c’est quand les patrons décident plutôt d’importer des bras à moindre coût, déstabilisant ainsi l’offre et la demande et transformant la fameuse main invisible en doigt dans le c…
Ce phénomène ne date pas d’hier, dès la fin du XIXe siècle, les belges sont appelés dans les mines du nord de la France, puis tout le monde s’y met et au cours du XXe siècle ça défile, particulièrement après les grandes grèves à l’issue de la deuxième guerre mondiale, italiens, portugais, maghrébins etc. etc., mais ces réservoirs s’épuisent peu à peu, cette main d’œuvre à bas coût après quelques années, aidés parfois par leurs enfants instruit à l’école publique, se rendent compte qu’ils ont des droits et jouent du rapport de force.
Alors là, une seule solution partir plus loin pour trouver des bras encore plus malléables, encore moins avide de richesse (les salauds !). Mais une fois que l’on a envoyé tous nos lieux de production, toutes nos usines à l’autre bout du monde, comment va-t-on faire pour notre économie de service, pour toutes ces petites mains qu’on ne peut pas délocaliser ? Tout simple, on retourne en chercher de plus en plus loin. Les cuisines de restaurant ont eu leurs luciens auvergnats, leurs loïcs bretons, leurs momos algériens, leurs dias sénégalais, mais ça ne suffit plus les kumars tamouls sont maintenant remplacés par shumans bengladhis…
Combien de livreurs uber ou deliveroo, travaillant sous des faux comptes pour 4-5 euros de l’heure, sont en France depuis plus de dix ans ? Pas tant ma p’tite dame…
La bonne nouvelle dans tout ça ? Avec l’arrivée de l’automatisation constante et de la robotisation, ces petites mains n’auront plus besoins d’êtres renouvelées (mais toujours importées).
Et l’avenir des travailleurs ? Quelque-part entre une survie sous subvention et quelques ronds gagnés par-ci par-là en vendant ses fringues sur vinted, en louant sa cave, bref l’économie du crevard…
L’équilibre de l’offre et de la demande est impossible dans leur monde sans-frontière, l’économie au service de l’intérêt général, cette belle main invisible s’est bel et bien convertie en un doigt dans votre c…
Pour aller plus loin :
Christophe Guilluy, La France périphérique : comment on a sacrifié les classes populaires, Paris, Flammarion, 2014
Comité Invisible, Maintenant, Paris, La Fabrique éditions, 2017
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