« Nous sommes en guerre ». Il y a un an ce slogan lancé par Emmanuel Macron nous a fait sourire. Incrédules, nous voyions ce matamore d’opérette se donner des airs martiaux à peu de frais. Pourtant, force est de constater qu’un an après, nous sommes bien dans un climat de guerre. Nous n’avons toujours pas d’ennemi, mais les contraintes, les restrictions, l’arbitraire propre à ce genre de période est bien en place. Nous voilà avec des couvre-feu, des « ausweis » permettant de circuler-ou pas-, une police faisant régner l’arbitraire et l’absurde, verbalisant , là une mère de famille ou un enfant pour non port du masque, laissant passer là des jeunes faisant un rodéo ou des trafiquants de drogue. Peu à peu, comme en temps de guerre, le paysage a changé: les masques sur les visages, les pancartes anxiogènes, les rideaux des magasins baissés…

Comme en temps de guerre, il y a des morts, pas tant par le virus que par l’inactivité. Le suicide semble peu à peu devenir la norme chez les indépendants et étudiants, la folie et la dépression guettent de plus en plus des pans entiers de la population, contraints à un sacrifice expiatoire, pour un veau d’or illusoire.

Comme en temps de guerre, les actualités changent donnant un parfum suranné à des souvenirs à peine vieux d’un an. On se met à penser aux actualités précédant 2020 comme on pense à la belle époque, à notre avant-guerre que l’on regrette, même si, force est de reconnaitre que déjà à l’époque, rien n’allait. Souvenons-nous, pour nous consoler , qu’avant le COVID, nous avions la jeune Greta Thunberg érigée au rang de Pythie, le grand tournant écologique ayant permis la suppression des cotons tiges en plastique, les gilets jaunes, les grèves contre la réforme des retraites, les clandestins drogués de la porte de la Chapelle, les attentats islamistes… Ah, nostalgie…

Comme en temps de guerre, la mode et les mœurs changent. Si la guerre fit par le passé disparaître les chapeaux et raccourcir les robes, changeant radicalement en quelques années le spectacle de nos rues, il est probable que le port du masque survive à la pandémie, important chez nous la peur du microbe déjà fortement présente dans les pays asiatiques où le masque dans les rues est la norme. Adieu, la contemplation d’un joli sourire féminin dans le métro, ou de celle de l’harmonie d’un visage inconnu, ou de l’imagination voguant au détour d’une face exprimant la joie ou la peine sans que jamais nous ne puissions deviner la cause de cette expressivité partagée. Il est fini le temps des baisers, des poignées de main et des accolades. Demain probablement que nos suivants considèreront ces mœurs aussi barbares que l’écartèlement ou le supplice de la roue, pourtant parfaitement naturels à une époque.

Comme en temps de guerre, il est des lois d’exception qui deviennent la règle, le principe du précédent déjà évoqué ici. Une fois mis en place, pourquoi ne pas maintenir le passeport sanitaire ? Pourquoi ne pas continuer le traçage des populations afin d’éviter toute nouvelle pandémie ? Pourquoi ne pas supprimer la monnaie physique afin de limiter les risques de propagation de virus futurs ? Comme le plan vigipirate en son temps, voilà des mesures qui, si elles sont mises en place, resteront pour toujours. Il n’est pas né le politique qui aura le courage de dire « acceptons la mort et soyons libre, laissons les gens vivre et assumer leurs choix. Fin du port du masque obligatoire ».

Nous ne verrons plus non plus, le petit bistro du coin de la rue, le restau de là-haut, et les multiples petites boutiques qui survivaient péniblement entre deux chaines de magasins d’alimentation ou de vêtements. Comme Paris vit finir de disparaître ses petits métiers au détour de la guerre de 14, beaucoup des commerces, encore indépendants, ne rouvriront pas, A Paris, le capitalisme et la politique municipale avaient déjà bien démarré ce génocide, comme Haussmann en son temps, mais le COVID donnera l’estocade à ces survivants des temps anciens.

Enfin, les mœurs et la cohésion nationale, les tempéraments sortiront changés de cette « guerre » imposée, sans ennemis visibles et aux hypothétiques victoires à la Pirus. Chaque caste se recroqueville sur son univers, regardant avec suspicion le voisin. « Serait-il malade, va-t-il me contaminer, que fait-il dehors après le couvre-feu à risquer de « tous nous tuer » ». Le peu d’entraide qui restait est largement écrasé aujourd’hui par la peur, la trouille petite bourgeoise qui salit tout et préfère voir son intérêt plutôt que l’intérêt national, voyant dans son concitoyen un ennemi à dénoncer plutôt qu’un allié avec qui résister. Les cathos dénoncent le clown Chalençon mais s’offusquent qu’on mette en garde à vue le curé de St Eugène, les politiques s’offusquent que certains fassent des fêtes alors qu’eux-mêmes dinent dans des restaurants clandestins. Chacun tente de contourner les restrictions pour lui, mais veut les voir appliquées par les autres. La débrouille à la française à de beaux restes, mais pour ce qui est du patriotisme…

Nous ne savons pas vraiment à quoi ressemblera le monde de demain, même si certains éléments commencent à nous permettre d’en deviner les contours. Une chose est certaine, c’est que nous changeons d’époque, voir de monde. Il serait illusoire de croire que nous sortirons de cette crise comme nous y sommes entrés. Reste à garder foi en un sursaut, en espérant que ce ne soit pas le dernier soubresaut du pendu.