Selon la célèbre théorie de l’effet papillon, la filière bois française subit de plein fouet depuis plusieurs mois les conséquences de décisions politiques prises au bout du monde. Nous ne sommes qu’aux prémices d’une crise qui peut s’avérer catastrophique pour le pays comme le fut la crise de la sidérurgie dans les années 80 ou de l’agriculture depuis trente ans.

La filière bois française subit les assauts conjoints des Américains et des Chinois, qui, chacun chez eux ont pris des dispositions pour protéger leurs stocks. Les États Unis, outre un conflit commercial avec le Canada, subissent les conséquences des importants feux de forêts des dernières années qui ont pour conséquence la hausse des coûts de matière première. Les Chinois après une surexploitation intensive de leurs forêts, ont voté un moratoire sur l’exploitation du bois chez eux d’une durée de 99 ans. Cela les oblige de fait à se rabattre sur le bois étranger. Les marchands de bois européens, par l’odeur de l’argent alléchés (et par l’absence de politiques protectionnistes sur le vieux continent) ont depuis plus d’un an dérouté l’essentiel de leur production vers le pays de l’Oncle Sam et l’Empire du Milieu.

Les conséquences sont tragiques pour la France, entre hausse du coût des matières premières (plus de 200% en un an) et surexploitation des forêts. C’est l’ensemble de la filière qui subit la crise avec des conséquences potentiellement fatales à moyen terme.

La demande étant plus importante que l’offre, les forêts européennes peinent à suivre et coupent de plus en plus, sans laisser le temps aux forêts de se régénérer et avec des politiques de plantation parfois court termistes dont nous payerons les conséquences dans 20 ou 30ans.

La course au gain de temps influe aussi sur la qualité lors du séchage du bois, là où du bois devrait normalement sécher en deux ou trois ans, on force la température, ce qui affaiblit d’autant le bois et en réduit la qualité.

Certaines essences exotiques deviennent introuvables, les scieries mêlant à la fois approvisionnement local propre et achat à l’étranger pour avoir un choix le plus large possible en fonction de la demande. La difficulté à se fournir en matière première, couplée à la hausse des coût et à la qualité aléatoire, fragilise ces structures qui sont souvent petites et/ou familiales. Certaines déjà mettent la clé sous la porte, soucieux de ne pas pouvoir maintenir la qualité du service. Ils préfèrent tirer leur révérence avant la catastrophe.

On ne mesure pas encore à moyen terme les conséquences sur l’économie locale de l’affaiblissement de cette filière dans laquelle nous avions un savoir-faire reconnu par tous. Comme au début des années 2000 où tout un tissu industriel s’est désagrégé lentement sans que l’on en prenne conscience, il est probable que nous soyons à l’aube d’un drame économique aux répercutions multiples tant la filière du bois est composée de multiples acteurs divers : propriétaires de forêts, gestionnaires forestiers, scierie, transporteurs, revendeurs… C’est un écosystème économique qui est violemment assailli et qui s’il rompt verra encore se paupériser des zones économiques déjà largement fragilisées.

Le bois est un produit formidable qui a ce mérite de n’avoir besoin que de temps et de savoir-faire pour se développer. Perdons ce savoir-faire, réduisons nos forêts à la simple gestion spéculative, capitaliste et court-termiste, et nous brûlerons en quelques années et de manière quasi irrémédiable ce patrimoine formidable hérité de nos anciens. Nous pourrons alors pleurer comme nous pleurons déjà sur la destruction de nos patrimoines et de nos paysages, sur la fin de nos paysans et de nos mineurs… Quand on pense à Colbert ministre de Louis XIV qui faisait planter des arbres pour la future marine du XIXe siècle, on est bien loin aujourd’hui, à l’heure du libre-échange unilatéral et du laisser-faire, laisser passer….
Pour la filière bois, ça sent le sapin.