Ouvrage indispensable pour comprendre la révolution bolchévique, Que faire ?, publié en 1902, est la mise par écrit des réflexions de Lénine pour lancer la scission entre les socialistes-réformateurs (ou trade-unioniste) et les socialistes-révolutionnaires.

A l’époque où Lénine écrit Que faire ? Le mouvement socialiste russe est en mauvaise posture. Le XIXème siècle ayant été fortement marqué par le mouvement nihiliste russe et la vague d’attentats qui l’accompagnait, les idées socialistes ont pu passer relativement sous la censure car paraissant moins extrémistes. Il en découle qu’une partie non négligeable de la population russe comprend et partage les idées socialistes et notamment la bourgeoisie de gauche. Cependant si les idées socialistes n’ont jamais été aussi répandues, elles n’ont également jamais été aussi dévoyées. 

Nombre de socialistes russes, observant les progrès économiques du pays, souhaitent une réforme « en douceur » du régime et non plus la révolution. C’est le courant « trade-unioniste » que dénonce Lénine : ces socialistes qui préfèrent négocier pour les conditions de travail des prolétaires avec le gouvernement et le patronat plutôt que chercher à les réduire. 

L’autre courant que dénonce Lénine, et qui est lié au premier, est le spontanéisme. Les socialistes-réformistes en renonçant à suivre la théorie marxiste de renversement du capitalisme n’ont pour seuls combats que ceux que le prolétariat va mener de manière spontanée. Le rôle des socialistes-réformistes n’est que d’accompagner et d’aider les prolétaires dans ces combats. Or ainsi que le rappelle Lénine, les prolétaires ne pourront mener que des combats pour améliorer leur quotidien, mentalité trade-unioniste, et ne pourront jamais passer au stade révolutionnaire car ils ignorent même jusqu’à sa possibilité. 

Que faire ? est un coup de barre à gauche. Lénine rappelle que le but du socialisme est d’abolir la société de classe et non de s’en accommoder. Dès lors l’objectif des socialistes-révolutionnaires est d’instruire les prolétaires, de leur ouvrir les yeux sur la globalité du système à combattre. En parallèle, leur rôle est de sélectionner les membres du prolétariat les plus réceptifs afin d’en faire des révolutionnaires professionnels.

L’image du révolutionnaire professionnel est d’une importance capitale pour Lénine : il n’est pas un fanatique inutile comme le terroriste ou un trade-unioniste. Il agit dans le but de prendre le pouvoir et toutes ces actions politiques vont dans ce sens. L’un des points importants est que l’organisation révolutionnaire puisse permettre au révolutionnaire professionnel de vivre dans la clandestinité. 

L’organisation révolutionnaire doit agir à l’ombre des institutions légales, comme les syndicats puis les soviets, et avoir un fonctionnement souple et adaptable qui l’expose le moins possible à la répression. 

Enfin, Lénine insiste sur l’importance de centraliser les énergies révolutionnaires au sein d’une même organisation révolutionnaire. Pour rabattre ces énergies et uniformiser le discours révolutionnaire, il préconise la création d’un journal.
Traité politique fondateur du bolchevisme, Que faire ? ne sera pas appliqué à la lettre car les bolcheviks auront l’intelligence de s’adapter au terrain. Il permet cependant de comprendre leur état d’esprit, la radicalité et l’efficacité et de leur vision.