La France est très fière, et à juste titre, de son patrimoine forestier, qui la place au quatrième rang des pays européens par sa superficie forestière, derrière la Suède, la Finlande et l’Espagne. Mais qu’en est-il de l’avenir de cette forêt ?

Contrairement à une idée reçue et au sujet de la déforestation qui revient souvent sur le devant de la scène, la surface forestière française est revenue à son niveau du Moyen Âge.

Non, l’urbanisation et l’agriculture ne rongent pas nos forêts. Alors que les médias se concentrent sur l’Amazonie, peu de personne réalisent que la déforestation a depuis longtemps été stoppée en France. Certes, au Xe siècle a débuté un grand mouvement de déboisement mais, à partir du XVIe siècle la forêt devient un enjeu économique majeur, notamment pour le bois de marine. Mais le XIXe siècle marque un tournant. Avec l’exode rural, le courant romantique pré-écologique qui voit dans la forêt une harmonie à préserver, mais aussi la création de l’École des eaux et forêts à Nancy en 1824 puis du Code forestier en 1827, elle regagne peu à peu du terrain
La forêt couvre actuellement 16,8 millions d’hectares soit 31 % du territoire national.
C’est l’occupation du sol la plus importante après l’agriculture qui couvre plus de la moitié de la France métropolitaine.

? En France métropolitaine, le taux de boisement s’élève à 31 %.

Cette moyenne masque de fortes différences départementales.
Sept départements ont un taux de boisement inférieur à 10 % : la Manche, la Vendée, la Mayenne, le Pas-de-Calais, les Deux-Sèvres, la Loire-Atlantique et le Calvados.
Quatre départements ont un taux de boisement supérieur à 60 % : la Corse-du-Sud, le Var, les Landes et les Alpes-Maritimes.
La superficie forestière s’accroît fortement depuis la deuxième moitié du XIXe siècle. On estime qu’elle était comprise entre 8,9 et 9,5 millions d’hectares en 1830.
Elle couvrait 14,1 millions d’hectares en 1985, soit une progression moyenne d’environ 90 000 ha (0,7 % par an) durant les 30 dernières années.

L’extension de la superficie forestière concerne d’une part le grand arc méditerranéen et la Corse et d’autre part la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. L’essentiel des boisements dans le Sud-Est concerne des terres délaissées par le pastoralisme et l’agriculture.
Dans les régions traditionnellement forestières, comme le nord-est et le massif landais, la progression est moindre. Ce constat est également valable en région parisienne du fait de la pression urbaine.

? Qui sont les propriétaires des forêts ?

Avec le ministère de la Défense, qui possède à lui seul 100 000 hectares de bois, et les 11 000 communes, départements et régions qui se partagent 15 % des surfaces boisées françaises, on aurait pu imaginer que la France sylvicole était toujours aux mains de la puissance publique. Mais c’est l’arbre qui cache la forêt des 3,5 millions de petits propriétaires privés.
Les trois quarts des forêts sont détenus par des personnes physiques.

D’après le cadastre, environ 380 000 propriétaires forestiers possèdent plus de 76 % de la surface forestière, de 4 ha à plus de 100 ha. Ces propriétaires forestiers privés récoltent pour la commercialisation et leur autoconsommation plus de 40 millions de m3 de bois chaque année.

La Caisse des Dépôts à elle seule, gère 150.000 hectares. Autres gros propriétaires : la Société générale (30.000 hectares), Axa (22.000 hectares) et le Crédit agricole (12.000 hectares).

Pourquoi il est inutile de planter des milliards d’arbres ?
Pour lutter contre le changement climatique, certains veulent reforester le monde sans se demander si le remède n’est pas pire que le mal.

Depuis plusieurs années, l’arbre est devenu la solution à tous nos problèmes, endossant le rôle de sauveur de l’humanité, en temps de réchauffement planétaire. La plantation d’arbres serait devenue le nec plus ultra de la lutte contre le réchauffement climatique, au risque de voiler une réalité beaucoup moins vertueuse.
L’idéologie advient lorsqu’une idée est portée aux nues et que tout est accompli en vue d’étayer cette idée et d’en faire l’alpha et l’omega de tout, au détriment du réel et de l’expérience empirique. C’est malheureusement ce qui se passe avec certaines campagnes de reforestation massive que l’on nous présente comme vertueuses et efficaces en soi. Or, les faits sont têtus et nous prouvent que planter des hectares de forêts n’est pas un acte suffisant pour améliorer la vie sur Terre et que cela peut même se révéler nocif lorsque c’est fait en dépit du bon sens.
Ces opérations de reforestation de grande envergure nous démontrent-elles en quoi leurs opérations sont bonnes et louables ? Non, c’est rarement le cas, comme si nous devions tenir la plantation d’arbres pour un acte bon par essence.

? Des politiques de reboisement néfastes :

Certains nous annoncent qu’ils vont planter, avec l’aide d’investisseurs privés, plusieurs millions d’arbres en France cet hiver, se faisant fort, par cette démarche, de doubler la masse de leurs plantations de l’année précédente, et de tripler celle de la pénultième. Il se trouve pourtant que le problème des forêts françaises n’est pas d’être trop rares, elles n’ont jamais eu une surface si étendue au cours de leur histoire, mais d’être souvent mal ou pas entretenues.
Or, que nous disent les reboiseurs de la France à grande échelle qui mettent en vente des plants d’arbres à des prix défiant toute concurrence sur le suivi de ces plantations et leurs vertus écologiques ? A peu près rien.
Comment un plant peut être vendu au prix d’un euro en étant entretenu toute sa vie selon les principes d’une sylviculture durable qui mise sur des forêts continues. Planter des arbres n’est pas bien en soi, si les arbres ne sont pas protégés, entretenus et plantés dans un sol qui leur convient et dans le but d’améliorer un écosystème.
La reforestation du monde pose des problèmes

Pour ce qui concerne la France, le terme de reforestation est impropre, car il n’est de reforestation qu’à la suite d’une déforestation.
Il se trouve encore trop de forêts non entretenues en France, qui émettent parfois plus de CO2 qu’elles en absorbent, parce que le renouvellement des essences ne se fait pas proprement ou parce qu’elles partent en fumée aux premières chaleurs.

? L’ONF prépare l’avenir des forêts publiques

Depuis 2018, plus de 300.000 hectares de forêts publiques en France subissent des dépérissements importants et un taux de mortalité inédit. En cause : l’accélération du changement climatique à l’origine d’épisodes répétés de sécheresse et de crises sanitaires.

Scolytes, maladie des bandes rouges, chenilles processionnaires… De nombreuses épidémies menacent les essences forestières. Dans le cadre de la rédaction de son futur plan stratégique, l’ONF vient de travailler sur une nouvelle stratégie de gestion qui trace les contours de la sylviculture de demain.
« Avec la Fédération nationale des Communes forestières (FNCOFOR), nous sommes pleinement mobilisés pour préparer l’avenir des forêts publiques et garantir leur résilience », poursuit le directeur général. Les enjeux sont de taille : dans les 50 prochaines années, des simulations montrent que les aires de compatibilité climatique des essences actuelles vont se rétracter d’au moins 60 %, notamment pour celles qui pèsent 75 % de la couverture forestière domaniale. Autrement dit, 500.000 hectares de forêt devraient voir leur faciès actuel se modifier.
Aller vers une forêt mosaïque

Pour l’ONF, réussir l’adaptation des forêts au changement climatique passe par l’introduction d’un nouveau concept de sylviculture fondé sur le principe de « forêt mosaïque ». L’objectif : renforcer la diversification des essences, à l’instar des expérimentations menées dans les îlots d’avenir, mais aussi adapter les modalités du renouvellement dans l’espace forestier.
L’idée est d’avoir des petites unités en renouvellement constituées de régénération naturelle et de plantations de différentes essences testées et jugées prometteuses. Ces zones de régénération de la forêt seront au cœur d’une matrice d’arbres adultes et en interaction avec des secteurs maintenus en pleine naturalité, c’est-à-dire en libre évolution.

Les changements de pratiques sont importants. Si la vision de long terme reste essentielle, avec des plans de gestion établis pour une durée de l’ordre de 15 à 20 ans à l’échelle de chaque forêt gérée, des suivis et diagnostics devront également être très régulièrement menés pour vérifier et réorienter si nécessaire les choix opérés. Parce qu’elle est plus complexe, cette gestion forestière appelle aussi des moyens conséquents, ainsi que le rétablissement de l’équilibre forêt-gibier.

? Les forêts doivent être adaptées au changement climatique :

Victimes de la sécheresse et des invasions d’insectes, des milliers d’arbres meurent, dans les forêts de l’Est de la France, mais aussi en Auvergne-Rhône-Alpes et en Bourgogne-Franche-Comté. Les agents de l’Office national des forêts ont lancé un programme baptisé “ilôts d’avenir” pour adapter la forêt au réchauffement climatique et à tout ce qui s’ensuit. C’est ainsi que 10 nouvelles essences vont être testées sur 100 parcelles : le cyprès d’Arizona, le pin de Macédoine, le calocèdre des Etats-Unis, ou le chêne pubescent, par exemple, qui est largement répandu autour de la Méditerranée, mais dont les qualités sont moins estimables pour la filière forêt bois que chez ses cousins le chêne sessile et le chêne pédonculé.
C’est toutefois un enjeu vital, alors que des dizaines d’hectares d’épicéas ont dû être rasés pour éviter que l’invasion de scolytes se propage davantage. Adapter les forêts est devenu le maître-mot.

Adapter les forêts au changement climatique, c’est les rendre plus résilientes.
Il faut se baser sur la théorie de la résilience, pour résister au choc climatique qui nous arrive. Parmi les 7 piliers de la résilience, le plus important est la diversité. Si nous avons 40 000 fois le même arbre au même âge, au même endroit, le moindre pathogène s’y donnera à cœur joie comme dans un jeu de quille : il fera très vite des ravages. Au contraire, dans une forêt où les essences de différentes classes d’âge sont mélangées, le pathogène n’aura pas tous les arbres à sa disposition. S’il s’attaque aux jeunes, les vieux s’en sortiront, et inversement. C’est sur ce principe de sylviculture irrégulière qu’il faut définir nos itinéraires sylvicoles. Il faut privilégier la diversité.
Les itinéraires irréguliers qu’il faut mettre en place sont mixtes sur les classes d’âge mais aussi sur les essences. Il ne faut pas planter une seule essence sur une parcelle. Il faut toujours au moins une essence d’accompagnement.
Un deuxième effet de la diversité, c’est que certaines essences ont un effet répulsif sur des pathogènes. Par exemple, il est très utile de planter dans des forêts de résineux, comme les pessières des régions de l’Est, des bouleaux, des saules ou des aulnes, qui favorisent la biodiversité et donc l’accueil des prédateurs des scolytes. Il s’agit là d’un moyen naturel de lutte biologique contre une espèce invasive.
La diversité des essences offre également une multitude d’habitats et de conditions variées qui plaisent à différents animaux, insectes, oiseaux, batraciens… Valoriser la diversité des peuplements, c’est dès lors valoriser la faune et donc tout l’écosystème.
Modifier le peuplement d’une forêt se fait-il facilement ?
Dans l’Est de la France, des forêts entières d’épicéas ont été plantées dans les plaines il y a 50, 60 ans, et même davantage, car cela a commencé après la guerre. La forêt était alors principalement vue comme une commodité, pas encore comme un écosystème complexe. Aujourd’hui, on se rend compte que les pratiques n’étaient pas forcément les bonnes, puisque les épicéas sont décimés par les scolytes et la sécheresse.
Il y a une cinquantaine d’années, certes on faisait des plantations régulières, mais ce dont il faut bien se rendre compte, c’est que ça fonctionnait. Le régime des pluies était mieux réparti, les températures estivales moins extrêmes et donc les arbres poussaient bien. Les machines utilisées pour les travaux étaient aussi beaucoup moins lourdes. Avec le développement de la mécanisation, les engins sont devenus de plus en plus lourds, donc le tassement des sols lors des coupes est devenu beaucoup plus important. Le réchauffement climatique a également largement déstabilisé les peuplements, en agissant sur la répartition des précipitations et sur les périodes de sécheresse, favorisant les maladies et les ravageurs. Ce sont ces différents phénomènes qui ont amené les forestiers à s’intéresser à la futaie irrégulière.
Nous savons que les arbres agissent sur le sol, que quand certains l’enrichissent en contribuant à la formation de la litière, d’autres participent à le dépolluer, tandis que certains l’acidifient ou l’appauvrissent, ce qui est le cas des pins qui acidifient le sol autour d’eux en y laissant tomber leurs aiguilles, limitant ainsi la concurrence autour de leur tronc, et qui peut être le cas de ces grandes plantations d’épicéas. Il n’y a pourtant aucune raison que l’on n’arrive pas à y replanter plusieurs essences.
D’où viennent ces pathogènes qui déciment les forêts françaises ?
C’est un problème qu’il faut aussi prendre en compte : les pathogènes se multiplient avec les échanges commerciaux liés à la mondialisation. Par exemple, le dendrochone de l’épicéa de Sitka vient de Sibérie et cause des ravages dans les forêts françaises. Le principal problème des pathogènes aujourd’hui est la circulation des biens et des personnes dans le monde. Cela a commencé avec Christophe Colomb et ne fait que s’amplifier. La quasi-totalité des châtaigniers, qui représentaient jusqu’à un arbre sur quatre dans certaines régions des Etats-Unis, notamment dans les Appalaches, a disparu, à cause d’un champignon pathogène malencontreusement importé d’Asie au début du XXe siècle. Les arbres s’adaptent, mais il leur faut beaucoup de temps, or notre activité ne leur offre pas ce temps.
C’est la même chose que pour les frelons asiatiques. Les abeilles domestiques européennes n’ont pas encore eu le temps de s’adapter aux attaques de ce ravageur importé d’Asie. Les attaques de pathogènes ne sont donc pas nouvelles, mais la multiplication des transports les rend plus prégnantes, et c’est pourquoi il est indispensable de rendre nos forêts plus résilientes.
Il faut bien avoir en tête que transporter des grumes veut nécessairement dire transporter des champignons, des graines, des insectes, etc. Le chêne sait comment survivre à ses champignons ou à ses insectes en France, mais ceux-ci peuvent être nocifs en Asie, ou inversement. Il faut donc de la résilience, et pour cela privilégier la diversité dans nos plantations.

Dans l’imaginaire générale, forêt va de pair avec déforestation et désastre naturel. Nous sommes loin de ce constat dans notre hexagone verdoyant où elle ne fait que croître depuis le XIXe siècle. La tendance écologique voudrait que nous plantions encore et encore, de plus en plus d’arbres afin de contrer le réchauffement climatique. Là n’est pas solution, au lieu de créer à tout-va, il faut entretenir les forêts déjà présentes. C’est une parcelle bien entretenue qui permet une régulation du climat et la vie de tout un écosystème, plutôt que la quantité.
Mais nous devons pouvoir réinventer nos forêts afin de les préserver de la sécheresse et des différentes maladies qu’elles peuvent subir. Pour cela, des « forêts mosaïques » et des « îlots d’avenir » sont actuellement en expérimentation afin de bâtir une forêt plus performante.

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