On en entend parler chaque jour de plus en plus, le pass “sanitaire” va devenir un pass vaccinal. Il ne sera plus possible de vivre normalement sans le précieux sésame délivré uniquement sur piqûres.

Nous ne parlerons pas aujourd’hui du bien-fondé (ou non surtout) des mesures contre cette crise « sanitaire ». Intéressons-nous plutôt succinctement à l’apparition de ce pass, enfin surtout de ces outils de contrôle que nous transportons chaque jour sans même nous en rendre compte.

Nous pourrions évoquer les différents outils technologiques, tels que les puces RFID, le bornage téléphonique, les connexions internets et tant d’autres informations que nous délivrons en nous promenant tout simplement, mais aujourd’hui on va revenir à la base, à ce petit morceau de plastique (pas encore biométrique) que contient tous notre portefeuille : la carte d’identité.

Dans toutes les sociétés complexes, un système de surveillance a toujours permis au pouvoir politique, c’est-à-dire au pouvoir ayant la gestion de la cité, de contrôler les interactions existant entre les membres de ladite cité. On sait, par exemple, que sous la République Romaine, en -509 avant JC, les censeurs sont chargés d’établir des rapports sur la population. Ces rapports sont constitués de données statistiques et ont pour objectif de mesurer l’état d’esprit général des populations. Il en va de même sous Charlemagne où les missi dominici, envoyés de l’empereur, ont pour rôle de vérifier l’application des lois du pouvoir central et d’informer ces derniers sur les situations locales.

Avec l’apparition de l’État Moderne, cette surveillance évolue et passe d’une statistique globale à un suivi individuel. Louis XI, est le premier roi de France à amorcer cette évolution via l’ordonnance de l’édit du 19 juin 1464 portant sur la création de la poste royale, le 19 juin 1464. Les articles 13 et 14 de cet édit sont les suivants :

“« les courriers et messagers seront visités par les commis du grand maistre auxquels ils seront tenus d’exhiber leurs lettres pour connoistre s’il y a rien qui porte préjudice au service du Roy et qui contreviennent à ses édits et ordonnances ».

L’inspection du courrier occupe sous l’Ancien Régime une place prépondérante dans la surveillance. Il en va de même à travers de l’Europe, le cas de la France reste cependant le plus révélateur. La pratique du décachetage devient systématique sous Richelieu. Lors de la Fronde, c’est grâce au décachetage des lettres intéressant l’Etat que Colbert a pu prévenir Mazarin.

En 1851, le recensement des populations s’affine avec un ensemble de questions posées à l’ensemble des citoyens, notamment sur leurs métiers, conditions de vie. On assiste au premier recensement scientifique.

En parallèle, afin de lutter contre la récidive, le premier outil utilisé par la police judiciaire est le fichage. Tout d’abord nominative, et contenant au mieux un croquis, la fiche nécessite l’intervention d’un tiers, mouchard, pour reconnaître efficacement un individu.

En 1876, est mis en place au sein de la préfecture de Police de Paris, le bertillonnage, administrativement appelé : le relevé scientifique. Cette méthode consiste en un relevé d’environ une centaine de mesures du corps humain (tailles des doigts, écartement des yeux…) permettant de reconnaître un individu sans marge d’erreur. Le relevé photographique et les indications de marques corporelles, comme les tatouages viennent ensuite renforcer ces fiches.

Le fichage des individus a donc été, dès le milieu du XIXè siècle, une priorité judiciaire mais aussi politique, permettant à la fois l’organisation de la cité, et la surveillance des individus qui la composent.

Le premier relevé d’identité obligatoire apparaît en 1912. Contenant des données anthropométriques et devant être présenté sur demande, le carnet d’identité s’applique tout d’abord aux nomades et aux forains. Les préoccupations des velléités de guerres européennes, rendent par la suite la carte d’identité obligatoire pour les étrangers en 1917.

En effet, à l’époque ces deux populations sont vues comme une possibilité de troubles à l’ordre public. Les premiers par leur mode de vie en contradiction avec une société sédentaire, les seconds du fait d’un climat international délétère. Les mesures de relevés d’identités sont donc être considérées comme justifiable pour le maintien de l’ordre public

En 1921, le préfet de police de Paris instaure une “carte d’identité des français” pour les citoyens domiciliés à Paris et dans le département de la Seine. Ancêtre de notre carte nationale d’identité, cette carte contient le nom et prénoms de l’individu, son lieu de naissance, ainsi que son domicile. Cette carte sera rendue obligatoire à l’échelle de la France en 1940 par le gouvernement de Vichy.

Enfin en 1959, les départements d’Algérie sont soumis à un recensement obligatoire de l’ensemble des habitants, appuyés de prises d’empreintes digitales et de photographies.

La forme que nous connaissons tous, de cette petite carte de couleur bleu grise, rentrant dans aucune poche de nos portefeuilles date de 1987.

Depuis le 2 août 2021, les nouvelles cartes d’identités sont délivrées. D’un format bien plus pratique, elles comportent néanmoins une zone de lecture automatique ainsi qu’une photographie et deux empreintes digitales du titulaire de la carte, stockées en format numérique, sur une puce sans contact.

Ce rapide historique nous permet de tirer deux conséquences :

Les papiers d’identités, pass et autres certificats sont bien des mesures de l’Etat pour maintenir l’ordre public et donc les populations

Même si l’on considère la fondation de Rome comme départ, au fil de l’histoire de notre civilisation, sur plus de 2 600 ans d’histoire, cela ne fait que moins de 200 ans que notre identité, notre citoyenneté nous est « délivrée » par l’Etat. Que nous dûssions surtout la prouver à chaque croisement de rues, tel un vulgaire paria.

C’est surtout ce deuxième point qui doit nous intéresser aujourd’hui. À quel moment, alors que l’on vit paisiblement sur la terre qui nous a vu naître, nous, nos parents et aïeux, est-il possible qu’un parfait inconnu vous somme non pas de décliner votre identité, mais de la prouver. Est-il justifié de se faire contrôler au hasard des rues et des routes ? Mais c’est pour le bien de tous, la sécurité routière me direz-vous… On n’a rien à se reprocher lorsque l’on observe toutes les règles et que l’on paye ses impôts…

Quelle différence alors avec un contrôle sanitaire ?

Les règles de bonne citoyenneté ont juste changé… L’obligation sanitaire, à l’instar de l’obligation scolaire, mais aussi de normes en tout genre (le montage électrique de votre maison, votre type de chauffage, pratique sportives, véhicules avec ou sans moteur etc…), est juste devenu elle aussi une règle de bonne citoyenneté.