Paru en 1931, le livre « Technique du coup d’État » écrit par Curzio Malaparte avait fait l’effet d’une bombe. Et pour cause, le livre était considéré par les dictateurs à la fois comme un dangereux manuel de coup d’État, mais aussi comme une manière d’anticiper d’éventuels coups d’État par les gouvernements. Un paradoxe qui témoigne de la qualité du livre.
Chaque chapitre aborde un coup d’État différent de Napoléon à Hitler en passant par 1917. Il est conseillé de se procurer l’édition publiée chez Grasset en 1966. Dans cette version, l’auteur revient en préface sur le succès de son livre et explique qu’il n’a ajouté aucun chapitre pour la simple et bonne raison que les coups d’État ayant eu lieu après 1931 n’ont rien apporté de nouveau. La seule différence étant que les gouvernements se défendent mieux qu’avant.
Le dernier chapitre, sur Hitler, ne concerne que des intuitions. Comme chacun le sait, en 1931, Hitler n’avait pas encore pris le pouvoir. Curzio s’amuse donc à deviner les évènements futurs.
Le pouvoir, selon l’auteur, est conquis de deux manières différentes. La première utilise la voie parlementaire, et est généralement limitée car elle ne permet pas de réformer le système dans son entièreté. La deuxième est violente et directe : c’est celle de Trotzky. A ce propos, Curzio Malaparte a eu la brillante idée de ne pas classer ses chapitres par chronologie historique. Ainsi, le premier chapitre ne concerne pas Napoléon mais la révolution de 1917. Le procédé peut paraître bizarre mais reste logique. Pour expliquer simplement, l’auteur prend la situation de 1917 pour montrer l’opposition entre les deux manières de faire un coup d’État citées plus haut. Le coup d’État parlementaire vu par Lénine s’attaque aux bâtiments qui sont des symboles (préfecture, mairie, assemblée…) avec, en plus, une masse d’ouvriers et de gens du peuple en soutien. Il y a presque un côté romantique à cette manière de procéder. On ne peut pas compter sur la foule et il est illusoire de penser que ces symboles suffisent pour prendre le pouvoir.
La deuxième technique, celle de Trotzky, est bien plus efficace et il l’a prouvé. Elle consiste à former un groupe de militants, des petits groupes armés et entraînés qui ont chacun un objectif clair et précis. Mais ces activistes ne s’attaquent pas aux symboles. Ils s’en prennent aux réseaux de communication (à l’époque voies ferrées, télégraphe, électricité…).
A partir de ces deux exemples, Curzio Malaparte permet de comprendre toute la lecture des autres chapitres en analysant des situations différentes car chaque évènement historique a ses spécificités : coup d’État contre Staline, Pilsudzki en Pologne, celui de Berlin avec Kapp, Napoléon, Primo de Rivera en Espagne, Mussolini et enfin Hitler. A noter que Malaparte fut un déçu du fascisme, alors qu’il soutenait Mussolini au départ, il devint un ennemi et fut envoyé en prison.
« Technique du coup d’État » n’est pas seulement un livre politique mais aussi historique. En effet, Curzio Malaparte a été un témoin de la plupart des coups d’é
État qu’il décrit en tant qu’ambassadeur pour l’Italie. Il rapporte d’ailleurs certaines discussions qu’il avait eu avec des personnages historiques importants. Bien écrit, facile à comprendre et se lit rapidement : un livre indispensable.
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